dimanche 30 avril 2017

Feud, Bette and Joan (Ryan Murphy, Jaffe Cohen & Michael Zam, 2017)

J'ai vu si peu de films en salles ces quinze derniers jours que je n'ai même pas de quoi alimenter ma rubrique « j'ai aussi regardé ces films ». Plus que cette élection déprimante, cette campagne minable et ces comédies (le Jugnot, le Clavier, le Farrugia) que je ne suis pas allé voir, il y a une attraction plus forte, cette série diffusée sur la chaîne FX tout simplement titrée Feud. Huit épisodes de 45 minutes sur la rivalité entre Joan Crawford (Jessica Lange) et Bette Davis (Susan Sarandon), un affrontement qui s'expose sur le tournage de Qu'est-il arrivé à Baby Jane de Robert Aldrich.

A ma gauche, Joan Crawford, un Oscar pour Le Roman de Mildred Pierce de Michael Curtiz, c'était en 1946. Depuis, comme pour toutes les actrices quinquagénaires, les rôles se font rares. Mais Joan a du courage à revendre, elle est l'une des rares actrices à avoir réussi le passage du muet au parlant, elle parviendra à trouver un rôle dans ce début des années 1960 où le système des studios commence à s'effriter. Elle dévalise les librairies à la recherche d'un bouquin adaptable, d'un personnage à se mesure, d'un rôle en or et si possible un rôle à Oscar.

A ma droite, Bette Davis, deux Oscar pour L'Intruse en 1935 puis L'Insoumise en 1939. Elle aussi à la recherche de rôles. Pour l'instant, elle fait du théâtre à Broadway, sans joie, sans passion, méprisant ses partenaires, toujours l'invective à la bouche. Joan Crawford vient lui proposer de devenir sa partenaire pour Baby Jane et Bette Davis a du mal à croire à la sincérité de cette vieille adversaire qu'elle appelle Lucille, son vrai prénom, avant qu'elle ne devienne Joan. La série, et c'est ce qui est le plus jouissif, est un festival de piques, d'anicroches, de sarcasmes, de vannes, délicieusement jetés à la face de l'autre.

Les trois premiers épisodes sont consacrés à la production difficile et au tournage épouvantablement compliqué de Qu'est-il arrivé à Baby Jane. Alfred Molina joue Robert Aldrich, cinéaste choisi par Crawford mais cantonné dans la réalisation d'un Sodome et Gomorrhe catastrophique que vilipende le serpent des ragots qu'est Hedda Hopper (Judy Davis), personnage central de la série, alliée de Joan Crawford et adversaire déclarée de Bette Davis, Hopper va jeter de l'huile sur le feu entre les deux femmes et pratiquer son activité favorite : le chantage.

Aldrich s'en va confronter Jack Warner (Stanley Tucci) monstre de vulgarité qui méprise et insulte le cinéaste. Warner a surtout un compte à régler avec Davis qu'il déteste au plus haut, fou de colère, il la traite de salope et jure de ne plus jamais travailler avec elle. Intéressé uniquement par le pognon, il accepte finalement de produire mais ne croit pas au film même s'il suggère deux actrices plus jeunes. On le sait, le film sera un succès public phénoménal mais ne permettra, paradoxalement jamais aux deux actrices de trouver d'autres grands rôles.

Le film vaudra à Bette Davis une nomination pour l'Oscar de la meilleure actrice. Là est l'épisode le plus dingue de la série (le 5ème) celui de cette cérémonie où Joan Crawford va tout faire pour emmerder Bette Davis. Elle y parviendra avec un sens de la cruauté inégalée sous le regard de Olivia de Havilland (Catherine Zeta Jones), la meilleure amie de Bette Davis, elle aussi récipiendaire de deux Oscars. J'ignorais que cette histoire était vraie et elle dépasse tout ce que la fiction peut imaginer.

La quatrième épisode se centre sur les deux assistantes. Mamacita (Jackie Hoffman) suit, précède et accompagne Joan Crawford partout où elle se rend. Fantôme, éminence grise et bonne à tout faire de l'actrice, ce personnage (qui ressemble beaucoup à celui de Rosario dans la série Will & Grace) tente de faire avancer la cause féministe avec Pauline (Alison Wright), la scripte de Robert Aldrich. Elles sont en avance sur leur temps, un temps où les actrices ne sont que de simples employées, où aucune femme n'est réalisatrice à Hollywood. Les trois derniers épisodes sont moins incisifs mais John Waters joue, pour quelques scènes, un épatant William Castle.

Aucun commentaire: