Quand
je regarde certains films, je ressens immédiatement leur part
d'autoportrait, non pas seulement d'autobiographie où le cinéaste
raconte sa vie, mais plutôt un sentiment de connaissance intime du
lieu, de la topographie, du passé qui sert de cadre au récit, des
souvenirs très personnels. Je trouve tout cela dans Home,
moyen métrage de 47 minutes où Patric Chiha trimballe ses deux
personnages dans les routes et les forêts de Styrie, exactement le
même décor que dans Boys like us (sept ans séparent les
deux films).
Soit
un vieux prénommé Fouad (Alain Libolt) et un homme plus jeune,
Jacques (Julien Lucas), deux homme qui travaillent dans l'export
(comme le dit Jacques) partis conquérir une part de marché dans le
village du cinéaste. Cette rampe pour le saut à ski, ces maisons
fleuries, cette auberge, ce cimetière et ces tampons sur les
sentiers de promenade. Ce ne sont pas des détails illustrant le
folklore local, les particularismes de l'Autriche, c'est un ancrage
de Fouad dans ce pays qu'il a connu.
Tout
Home est centré sur les souvenirs que Fouad tente de se
remémorer. Tandis que la nuit noire tombe et qu'ils n'ont pas été
capables de trouver leur route, le vieil homme commence à écrire
les chapitres du roman de sa mère. L'Anschluss, l'exil, la vie au
Liban. Les yeux dans la vide, prenant une inspiration, il dicte à
voix haute cette histoire qu'il imagine terriblement romanesque,
parfois scandée par des images en super 8 des rues et paysages de
Beyrouth.
Et
ce passé, ces souvenirs se fracassent au présent. Fouad fume clope
sur clope et visite le village de son enfance oubliée où il n'a pas
remis les pieds depuis 30 ans, comme Rudolph de Boys like us
l'avait quitté. Il repousse sans cesse la visite aux clients et
délaisse Jacques qui n'ose pas le contredire. Ce passé se fracasse
quand il apprend que la tombe de sa mère a été profanée, que des
inscriptions racistes (« pute arabe ») ont été tagués.
Tout est pareil dans le village mais tout a changé.
Il
cherche à se réconcilier avec ses souvenirs et atterrit dans le lit
d'une vieille connaissance, mais la mélancolie le submerge. Il erre,
hagard, dans l'usine de textile pendant que Jacques règle le
contrat. C'est lui qui assimile toute la rigueur et la droiture
autrichienne qui était l'un des motifs comiques de Boys like us.
Je vois Home comme un galop d'essai, triste et névrosé, à
Boys like us. Une névrose parfois un peu trop conceptuelle,
sans humour ni sensualité, donc moins aboutie.
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