Aller
en bateau d'Europe en Amérique, dormir à même le sol, être secoué
par le roulis, attendre la maigre pitance, tel est le sort des
émigrants en 1917. Parmi eux, le vagabond plié en deux sur la
rambarde, il doit souffrir du mal de mer, mais non il a péché un
poisson, parmi eux, une fille et sa mère, fichu sur la tête, comme
toutes les autres femmes, et tout le monde tangue au rythme du
navire, ce vieux bougre qui refile son hoquet à Charlot, ces joueurs
de dés qui tentent de prendre les billets de ceux qui sont aussi
pauvres qu'eux.
Charlot
et Edna, l'émigrant et la jeune femme se rencontrent à la cantine.
Le roulis des dés succède à celui du bateau. En plan large,
Chaplin filme une grosse bonne femme qui roule sur le sol puis
Charlot qui s'affale, sur un mode plus comique, c'est l'assiette de
soupe qui passe d'un côté de la table à l'autre, chacun cherche à
prendre un peu de soupe avec sa cuiller quand l'assiette daigne venir
de son côté. Edna n'a pas de siège, Charlot lui laissera le sien
non sans avoir souri longuement devant son charmant visage.
Sur
le pont, ils se rejoignent. Charlot vient de gagner un peu d'argent
au jeu (non sans avoir mécontenté le costaud moustachu) et Edna
s'est aperçu que l'argent de sa mère a disparu. Il met des billets
dans la poche de la jeune femme, sans lui dire, mais un second du
capitaine croit que Charlot est un pickpocket. Cette première
approche de l'injustice se résout bien, le second comprend sa
méprise, Edna remercie Charlot, pleine de gratitude. Bientôt c'est
le moment de débarquer, la Statue de la Liberté les accueille et
les émigrants l'admirent tous.
La
mise en scène de Charles Chaplin s'appuie sur la violence de
l'accueil des migrants aux Etats-Unis. Les douaniers font porter des
étiquettes aux émigrants et les parquent derrière une barrière.
Une fois sur terre, la pauvreté gangrène Edna et Charlot qui
crèvent la faim. Le géant Eric Campbell joue le serveur d'un
restaurant, un serveur peu commode qui juge d'un bien mauvais œil
ces indigents qui envahissent le restaurant. Ce qui les sauvera,
c'est l'art, encore et toujours, l'art unique voie de la liberté.
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