samedi 1 avril 2017

Adieu ma concubine (Chen Kaige, 1993)

La première partie de Adieu ma concubine est la plus éprouvante. On est plongés dans une école d’opéra de Pékin dans les années 1920 où les règles sont très strictes et l’entraînement particulièrement intensif. Le bouddhisme parle de destin. Chaque enfant a un destin dont il ne pourra pas s’écarter. Ainsi le jeune Douzi est laissé par sa mère prostituée dans cette école. Son visage fin quasi féminin l’amènera à jouer des rôles de femmes. Il va vite se lier d’amitié avec Shitou, bien plus costaud, qui jouera des personnages de roi. Ensemble, ils répéteront l’opéra Adieu ma concubine et le joueront jusqu’à leur mort. Tel est leur destin.

Chen Kaige filme l’école d’opéra comme une prison. L’image est grise et terne. Les conditions de vie des enfants sont précaires. Les maîtres sont impitoyables avec la discipline. Non seulement les exercices sont difficiles. Les enfants doivent faire de la gymnastique pour muscler et développer leurs membres et acquérir une très grande souplesse qui formera la gestuelle rigoureuse des opéras. Mais en plus, ils sont immédiatement battus dès la moindre erreur. Pire, ils sont battus quand ils font les bons gestes pour prévenir une future erreur et qu’ils ne se reposent pas sur leurs lauriers.

Le film suit l’histoire et ses grands mouvements. Douzi s’appelle désormais Chen Dieyi (Leslie Cheung) et Shitou s’appelle Duan Xiaolou (Zhang Fengyi). Ils sont devenus des immenses vedettes de l’opéra adulés par le public. Nous sommes en 1937 quand le Japon envahit la Chine pour la coloniser. Xiaolou ne souhaite pas rester célibataire et, sur le ton de l’ironie, promet à Juxian (Gong Li), une prostituée de la maison des fleurs de l’épouser. Et là, c’est le drame puisque Dieyi est amoureux de son ami et collègue. Il va sans dire que ses relations avec Juxian ne vont pas être sans douleurs.

Les soubresauts de l’histoire chinoise vont mettre à mal à la fois le couple entre Juxian et Xiaolou et entre ce dernier et Dieyi. Juxian fait une fausse couche lors de la fin de la guerre. Dieyi joue pour les Japonais et doit rendre des comptes devant les communistes. Puis vient l’avènement de la Chine communiste où les opéras de la Vieille Société sont des obstacles à la Nouvelle Société. Et puis la Révolution Culturelle où on doit brûler tous ses souvenirs. Mais le destin est là. Dieyi restera la concubine du roi Xiaolou.

Chen Kaige explore deux pistes narratives dans Adieu ma concubine. Celle de la réalité qu’il faut affronter. C’est Xiaolou qui se coltine l’Histoire et ses affres. La mort d’un enfant, la misère quand il arrête l’opéra, les petits boulots, la déchéance sociale. Chaque fois, il tente de se mettre en phase avec les événements mais il est toujours en retard d’un train. Dieyi vit entièrement son rôle de concubine. Il ne vit que pour l’opéra et uniquement à travers son art. Son amour pour le roi équivaut à son amour pour Xiaolou. Puis, Dieyi tente de s’évader du monde réel grâce à l’opium où Chen Kaige produit de belles scènes hallucinatoires avec des poissons rouges.

Adieu ma concubine évite l’écueil de l’académisme mais s’y frotte de très près. Au fur et à mesure, la tentation de Chen Kaige de produire de belles images est grande. Mais il conserve de bonnes idées pour ne pas tomber dans la joliesse. Certes, ses travellings sont à couper le souffle quand il filme les foules, mais sans ostentation. L’une des scènes finales pendant la RévoCul est filmée devant un feu brisant le cadre lors de leurs poignantes autocritiques. Evidemment, les séquences d’opéra sont particulièrement soignées et filmées d’un point de vue extérieure puisque chaque fois l’opéra sera interrompu par l’Histoire qui n’est qu’un obstacle à l’histoire d’amour entre Dieyi et Xiaolou. Destin tragique.
























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