La
première partie de Adieu ma
concubine est la plus
éprouvante. On est plongés dans une école d’opéra de Pékin
dans les années 1920 où les règles sont très strictes et
l’entraînement particulièrement intensif. Le bouddhisme parle de
destin. Chaque enfant a un destin dont il ne pourra pas s’écarter.
Ainsi le jeune Douzi est laissé par sa mère prostituée dans cette
école. Son visage fin quasi féminin l’amènera à jouer des rôles
de femmes. Il va vite se lier d’amitié avec Shitou, bien plus
costaud, qui jouera des personnages de roi. Ensemble, ils répéteront
l’opéra Adieu ma concubine et le joueront jusqu’à leur mort.
Tel est leur destin.
Chen
Kaige filme l’école d’opéra comme une prison. L’image est
grise et terne. Les conditions de vie des enfants sont précaires.
Les maîtres sont impitoyables avec la discipline. Non seulement les
exercices sont difficiles. Les enfants doivent faire de la
gymnastique pour muscler et développer leurs membres et acquérir
une très grande souplesse qui formera la gestuelle rigoureuse des
opéras. Mais en plus, ils sont immédiatement battus dès la moindre
erreur. Pire, ils sont battus quand ils font les bons gestes pour
prévenir une future erreur et qu’ils ne se reposent pas sur leurs
lauriers.
Le
film suit l’histoire et ses grands mouvements. Douzi s’appelle
désormais Chen Dieyi (Leslie Cheung) et Shitou s’appelle Duan
Xiaolou (Zhang Fengyi). Ils sont devenus des immenses vedettes de
l’opéra adulés par le public. Nous sommes en 1937 quand le Japon
envahit la Chine pour la coloniser. Xiaolou ne souhaite pas rester
célibataire et, sur le ton de l’ironie, promet à Juxian (Gong
Li), une prostituée de la maison des fleurs de l’épouser. Et là,
c’est le drame puisque Dieyi est amoureux de son ami et collègue.
Il va sans dire que ses relations avec Juxian ne vont pas être sans
douleurs.
Les
soubresauts de l’histoire chinoise vont mettre à mal à la fois le
couple entre Juxian et Xiaolou et entre ce dernier et Dieyi. Juxian
fait une fausse couche lors de la fin de la guerre. Dieyi joue pour
les Japonais et doit rendre des comptes devant les communistes. Puis
vient l’avènement de la Chine communiste où les opéras de la
Vieille Société sont des obstacles à la Nouvelle Société. Et
puis la Révolution Culturelle où on doit brûler tous ses
souvenirs. Mais le destin est là. Dieyi restera la concubine du roi
Xiaolou.
Chen
Kaige explore deux pistes narratives dans Adieu
ma concubine. Celle de
la réalité qu’il faut affronter. C’est Xiaolou qui se coltine
l’Histoire et ses affres. La mort d’un enfant, la misère quand
il arrête l’opéra, les petits boulots, la déchéance sociale.
Chaque fois, il tente de se mettre en phase avec les événements
mais il est toujours en retard d’un train. Dieyi vit entièrement
son rôle de concubine. Il ne vit que pour l’opéra et uniquement à
travers son art. Son amour pour le roi équivaut à son amour pour
Xiaolou. Puis, Dieyi tente de s’évader du monde réel grâce à
l’opium où Chen Kaige produit de belles scènes hallucinatoires
avec des poissons rouges.
Adieu
ma concubine évite
l’écueil de l’académisme mais s’y frotte de très près. Au
fur et à mesure, la tentation de Chen Kaige de produire de belles
images est grande. Mais il conserve de bonnes idées pour ne pas
tomber dans la joliesse. Certes, ses travellings sont à couper le
souffle quand il filme les foules, mais sans ostentation. L’une des
scènes finales pendant la RévoCul est filmée devant un feu brisant
le cadre lors de leurs poignantes autocritiques. Evidemment, les
séquences d’opéra sont particulièrement soignées et filmées
d’un point de vue extérieure puisque chaque fois l’opéra sera
interrompu par l’Histoire qui n’est qu’un obstacle à
l’histoire d’amour entre Dieyi et Xiaolou. Destin tragique.
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