Dans
les salles de cinéma ou devant un DVD, les films se suivent et ne se
ressemblent pas. Parfois, il suffit de quelques minutes pour être
pris, emporté et se rendre compte que le film nous regarde. Passer
de l'horrible navet qu'est Life réalisé par un Suédois à
Je danserai si je veux premier film franco-israélien tourné
par une Palestinienne est une liberté qui me plaît et qui,
j'espère, ne disparaîtra après ces tours, fort incertains, de
l'élection présidentielle. Avoir l'embarras du choix (et je ne
parle pas des 11 candidats) est un luxe. Voilà pour ma diatribe un
peu simpliste mais bien sincère.
Se
faire emporter dès le générique donc. Il faut le décrire. De la
chanson pop, un peu R 'n B interprété par la chanteuse Dam, les
noms des actrices apparaissent en anglais et en arabe, imprimés aux
couleurs du drapeau palestinien rouge, vert et noir. Et ce titre
français à la première personne. Ce Je
qui s'adresse au spectateur à quel personnage correspond-il ?
En anglais « In between » donne une autre idée, celle de
la marge, de l'entre-deux, de la transition. Ce Je
est sans doute pour Nour (Shaden Kanboura) qui arrive, avec sa grosse
valise, dans l'appartement que partagent Laïla (Mouna Hawa), cheveux
joliment bouclés, et Salma (Sana
Jammelieh), à l'anneau au nez.
Trois
femmes colocataires dont Maysaloun Hamoud va faire un portrait
croisé, par petites touches, comme autant de saynètes de tons
variés, comédie, drame, familial, amoureux, politique parfois.
D'abord un petit point sur leur boulot. Laïla est avocate dans un
tribunal de Tel Aviv, où se déroule le film, indomptable, elle
règle parfois ses cas sur le parking en fumant sa clope. Salma fait
des petits boulots de cuistot (où elle se fait virer pour avoir
parler en arabe) ou de barmaid (où elle peut draguer). Nour est
encore étudiante et veut réviser pour ses examens au calme. Il
n'est pas certain qu'elle ait choisi le bon appartement.
Les
deux colocataires de Nour jouissent de la plus grande liberté
possible à Tel Aviv. Liberté amoureuse en tout premier lieu, Salma
est lesbienne et craque sur Dounia (Ahlam Canaan), cliente du bar où
elle bosse. Laïla sort avec le très beau Ziad (Mahmud Shalaby) qui
traîne des pieds dans leur relation. On remarquera que c'est
toujours Laïla qui conduit la voiture quand elle transporte Ziad et
qu'elle porte souvent des costumes d'homme, sans doute pense-t-il
qu'elle porte trop la culotte. Et le soir, les deux amies font la
fête, chez elles, au bar, en boîte de nuit.
Nour
n'a jamais encore goûté à une telle vie. Elle vient d'une petite
ville palestinienne et l'installation à Tel Aviv ne plaît pas à
Wissam (Henry Adrawes) son fiancé, il fera tout pour qu'elle quitte
ces lieux, qu'elle avance leur mariage, qu'elle arrête ses études.
Il sortira un verset du Coran pour la convaincre, elle baisse les
yeux, mais rien n'y fera, elle restera à Tel Aviv. Quand elle
l'invite, il ne serre pas la main des autres filles, il les traite de
dévergondées, il accuse Nour d'avoir changé.
La
cinéaste s'intéresse à Nour car elle cristallise les relations des
deux autres jeunes femmes avec leur famille respective. Laïla,
chrétienne de la province nord, revient chez ses parents qui se
trouvent être aussi intolérants que Wissam. Si j'ai souvent ri au
début du film, le ton se fait plus sombre dans sa deuxième moitié,
presque tragique. Plutôt que de se complaire dans le feel
good movie
ou le drame absolu, Maysaloun Hamoud choisit l'entre-deux et finit
dans l'expectative avec les trois amies qui nous regarde. Cette image
servira à illustrer l'affiche française.
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