Après
L'Age d'or, Luis Buñuel a un moment où il ne peut plus rien
faire, il ne peut plus travailler. D'un côté, il a du mal à faire
comprendre à ceux qu'il rencontre qu'il n'est plus sous l'influence
stylistique de Salvador Dali. Il précise à qui veut l'entendre que
le peintre n'a rien produit dans L'Age d'or, il ne cessera de la
rappeler toute sa vie comme s'il avait besoin de la prouver à la
Terre entière, comme je le disais dans mon texte sur L'Age d'or.
D'un
autre côté, il subit les foudres de la censure, pas seulement celle
du Préfet de Paris qui interdit assez vite son film – qui restera
invisible pendant des décennies en France – mais aussi celle de la
mère du producteur du film, un mécène riche de la Côte d'Azur qui
a fait confiance à Buñuel. Cette mère, une épouvantable bigote
tout en noir comme la mort va en toute simplicité voir le Pape
(celui-là même qui a adoubé Mussolini en acceptant la création du
Vatican).
Après
L'Age d'or, le cinéaste est au chômage et va rencontrer ici ou là
trois de ses amis. C'est avec cette attelage qu'il part dans
l’Estrémadure pour filmer cette population des Hurdes. Voici
quatre hommes en goguette, certains abandonnant femme et enfants pour
l'aventure dans les terres sèches du centre de l'Espagne, une terre
inhospitalière où ils avancent lentement au gré des obstacles qui
se dressent devant eux.
L'un
des leitmotive de Buñuel après L'Age d'or est le budget de
leur production. Buñuel semble ne pas se soucier de dilapider
l'argent de son ami, d'autant que celui-ci pioche dans la fortune
familiale due à un ticket de loto gagnant. Le producteur affirme à
Luis que sa femme est d'accord, à l'image c'est tout le contraire,
elle pète un plomb, elle déborde de colère. Plus tard, ce sera lui
quand il comprend que Buñuel le manipule.
Ce
sera le grand motif du film, comment mettre en scène un
documentaire. Le film lui-même questionne en adoptant l'animation
cette mise en abyme vertigineuse, comment rendre documentée la
fabrication d'un film somme toute peu connu. Pour le cinéaste Luis
Buñuel tel qu'il apparaît comme personnage, tout est à créer, il
n'existe pas de vérité de l'image si ce n'est celle qui est filmé
dans le temps présent et qui sera montée pour le film.
Le
personnage Luis Buñuel manipule donc la vérité (le film le clame à
longueur de dialogues entre les quatre amis) mais ce qui est beau ce
sont les quelques extraits de Terre sans pain, ce noir et blanc en
format 1:33 qui contraste avec le déluge coloré de l'animation. Ce
qui ralentit le film ce sont les flash-backs sur l'enfance de Buñuel
censés donner des réponses à des questions qu'on ne se posait pas.
Sans eux, le film aurait gagné en vivacité.
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