samedi 22 juin 2019

Buñuel après L'Age d'or (Salvador Simo, 2018)


Après L'Age d'or, Luis Buñuel a un moment où il ne peut plus rien faire, il ne peut plus travailler. D'un côté, il a du mal à faire comprendre à ceux qu'il rencontre qu'il n'est plus sous l'influence stylistique de Salvador Dali. Il précise à qui veut l'entendre que le peintre n'a rien produit dans L'Age d'or, il ne cessera de la rappeler toute sa vie comme s'il avait besoin de la prouver à la Terre entière, comme je le disais dans mon texte sur L'Age d'or.

D'un autre côté, il subit les foudres de la censure, pas seulement celle du Préfet de Paris qui interdit assez vite son film – qui restera invisible pendant des décennies en France – mais aussi celle de la mère du producteur du film, un mécène riche de la Côte d'Azur qui a fait confiance à Buñuel. Cette mère, une épouvantable bigote tout en noir comme la mort va en toute simplicité voir le Pape (celui-là même qui a adoubé Mussolini en acceptant la création du Vatican).

Après L'Age d'or, le cinéaste est au chômage et va rencontrer ici ou là trois de ses amis. C'est avec cette attelage qu'il part dans l’Estrémadure pour filmer cette population des Hurdes. Voici quatre hommes en goguette, certains abandonnant femme et enfants pour l'aventure dans les terres sèches du centre de l'Espagne, une terre inhospitalière où ils avancent lentement au gré des obstacles qui se dressent devant eux.

L'un des leitmotive de Buñuel après L'Age d'or est le budget de leur production. Buñuel semble ne pas se soucier de dilapider l'argent de son ami, d'autant que celui-ci pioche dans la fortune familiale due à un ticket de loto gagnant. Le producteur affirme à Luis que sa femme est d'accord, à l'image c'est tout le contraire, elle pète un plomb, elle déborde de colère. Plus tard, ce sera lui quand il comprend que Buñuel le manipule.

Ce sera le grand motif du film, comment mettre en scène un documentaire. Le film lui-même questionne en adoptant l'animation cette mise en abyme vertigineuse, comment rendre documentée la fabrication d'un film somme toute peu connu. Pour le cinéaste Luis Buñuel tel qu'il apparaît comme personnage, tout est à créer, il n'existe pas de vérité de l'image si ce n'est celle qui est filmé dans le temps présent et qui sera montée pour le film.

Le personnage Luis Buñuel manipule donc la vérité (le film le clame à longueur de dialogues entre les quatre amis) mais ce qui est beau ce sont les quelques extraits de Terre sans pain, ce noir et blanc en format 1:33 qui contraste avec le déluge coloré de l'animation. Ce qui ralentit le film ce sont les flash-backs sur l'enfance de Buñuel censés donner des réponses à des questions qu'on ne se posait pas. Sans eux, le film aurait gagné en vivacité.

Aucun commentaire: