La
question que je me suis posé en regardant Le Daim est la
suivante : est-ce que ce film sera nommé pour le César du
meilleur costume. Cette veste en daim avec ses franges, puis ce
chapeau, ensuite ces bottes et pour finir ces gants. Geroge (Jean
Dujardin) devient petit à petit un daim. La dernière fois qu'un
vêtement avait pris une telle importance dans un film français,
c'était le petit blouson en cuir de Romain Duris dans De battre
mon cœur s'est arrêté de Jacques Audiard et qui faisait tout
le personnage.
Le
cinéma français n'en a rien à foutre la plupart du temps des
tenues de ses personnages, si ce n'est dans les films d'époque, les
films en costume comme on dit si bien. Alors qu'il peut déceler
beaucoup de choses de la personnalité des personnages, taille,
couleur, varité. Le Daim aurait pu être un film d'époque tant
l'image que lui confère Quentin Dupieux semble sortir d'un passé un
peu oublié, celui des années 1970, cette étrange période où les
couleurs criardes étaient filmées de manière un peu terne, tout en
paradoxe.
Georges
filme avec un caméscope qui date, déjà désuet avec ce clapet qui
s'ouvre et se ferme, un peu à la manière d'Alain Cavalier. Dès le
premier plan où trois jeunes gens remettent à Georges leurs
blousons en promettant de ne plus porter de blouson, on est dans une
image objective, Georges filme, il se prend pour un cinéaste et se
présente comme tel à Denise (Adèle Haenel) barmaid dans l'unique
café où il débarque.
La
Daim développe sa petite mise en abyme du cinéma. Production :
Georges n'a pas d'argent alors il se fait produire par Denise qui
sort péniblement quelques euros de son compte. Tournage : mise
en scène documentaire de Georges qui réalise son rêve d'être le
seul à posséder un blouson. Montage : Denise monte le film
sans comprendre l'aspect documentaire, elle voit une comédie alors
que Georges démembre ceux qui portent un blouson.
Finalement,
le cinéma de Quentin Dupieux aura toujours un peu souffert de ce
dernier problème, on le prend pour ce qu'il n'est pas. Quand son
premier film est sorti, Steak avec Eric et Ramzy, le
distributeur l'a vendu comme une comédie pour ados mais déjà le
cinéaste filmait cette confusion déjà souvent entretenue par les
films de Bertrand Blier. Le Daim est l'un des films les plus
glaçants du moment et sûrement pas une comédie.
La
loufoquerie dans Yves n'est pas éloignée de celle du Daim,
elle prend sa source dans le quotidien et propose un dérèglement
extraordinaire. La première partie de Yves ressemble à l'un des
épisodes de Weird City la série de Jordan Peele quand un jeune
couple aménageait dans une maison intelligente (avec la voix de Mark
Hamill) et qui dictait leur vie aux jeunes femmes. Yves est un frigo
qui débarque chez Jérèm (William Lebghil).
Pendant
un moment, le film s'amuse à montrer l'utopie du sujet, les
avantages dont le jeune rappeur raté et stupide qu'est Jérèm va
bénéficier grâce à son frigo. Le ton comique est alerte d'autant
que les acteurs s'en donnent à cœur joie, William Lebghil avec sa
moue de couillon pas finaud, So (Doria Tillier) sourit comme une
bécasse et Philippe Katerine fait du Katerine dans des tenues
exubérantes (ici aussi les costumes ont leur importance).
Le
film change de braquet quand la dystopie apparaît en mode Yves
devient comme Hal l'ordinateur de 2001 l'odyssée de l'espace. Le ton
change encore, dans une forme proche du cinéma de Michel Gondry,
quand So s'amourache du frigo Yves et provoque la jalousie de Jérèm.
Plus court, Yves aurait gagné en intensité (Gaz de France le
premier film de Benoît Forgeard faisait 20 minutes de moins), là il
se répète un peu, mais c'est déjà bien.
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