mercredi 26 juin 2019

Le Daim (Quentin Dupieux, 2019) + Yves (Benoît Forgeard, 2019)


La question que je me suis posé en regardant Le Daim est la suivante : est-ce que ce film sera nommé pour le César du meilleur costume. Cette veste en daim avec ses franges, puis ce chapeau, ensuite ces bottes et pour finir ces gants. Geroge (Jean Dujardin) devient petit à petit un daim. La dernière fois qu'un vêtement avait pris une telle importance dans un film français, c'était le petit blouson en cuir de Romain Duris dans De battre mon cœur s'est arrêté de Jacques Audiard et qui faisait tout le personnage.

Le cinéma français n'en a rien à foutre la plupart du temps des tenues de ses personnages, si ce n'est dans les films d'époque, les films en costume comme on dit si bien. Alors qu'il peut déceler beaucoup de choses de la personnalité des personnages, taille, couleur, varité. Le Daim aurait pu être un film d'époque tant l'image que lui confère Quentin Dupieux semble sortir d'un passé un peu oublié, celui des années 1970, cette étrange période où les couleurs criardes étaient filmées de manière un peu terne, tout en paradoxe.

Georges filme avec un caméscope qui date, déjà désuet avec ce clapet qui s'ouvre et se ferme, un peu à la manière d'Alain Cavalier. Dès le premier plan où trois jeunes gens remettent à Georges leurs blousons en promettant de ne plus porter de blouson, on est dans une image objective, Georges filme, il se prend pour un cinéaste et se présente comme tel à Denise (Adèle Haenel) barmaid dans l'unique café où il débarque.

La Daim développe sa petite mise en abyme du cinéma. Production : Georges n'a pas d'argent alors il se fait produire par Denise qui sort péniblement quelques euros de son compte. Tournage : mise en scène documentaire de Georges qui réalise son rêve d'être le seul à posséder un blouson. Montage : Denise monte le film sans comprendre l'aspect documentaire, elle voit une comédie alors que Georges démembre ceux qui portent un blouson.

Finalement, le cinéma de Quentin Dupieux aura toujours un peu souffert de ce dernier problème, on le prend pour ce qu'il n'est pas. Quand son premier film est sorti, Steak avec Eric et Ramzy, le distributeur l'a vendu comme une comédie pour ados mais déjà le cinéaste filmait cette confusion déjà souvent entretenue par les films de Bertrand Blier. Le Daim est l'un des films les plus glaçants du moment et sûrement pas une comédie.

La loufoquerie dans Yves n'est pas éloignée de celle du Daim, elle prend sa source dans le quotidien et propose un dérèglement extraordinaire. La première partie de Yves ressemble à l'un des épisodes de Weird City la série de Jordan Peele quand un jeune couple aménageait dans une maison intelligente (avec la voix de Mark Hamill) et qui dictait leur vie aux jeunes femmes. Yves est un frigo qui débarque chez Jérèm (William Lebghil).

Pendant un moment, le film s'amuse à montrer l'utopie du sujet, les avantages dont le jeune rappeur raté et stupide qu'est Jérèm va bénéficier grâce à son frigo. Le ton comique est alerte d'autant que les acteurs s'en donnent à cœur joie, William Lebghil avec sa moue de couillon pas finaud, So (Doria Tillier) sourit comme une bécasse et Philippe Katerine fait du Katerine dans des tenues exubérantes (ici aussi les costumes ont leur importance).

Le film change de braquet quand la dystopie apparaît en mode Yves devient comme Hal l'ordinateur de 2001 l'odyssée de l'espace. Le ton change encore, dans une forme proche du cinéma de Michel Gondry, quand So s'amourache du frigo Yves et provoque la jalousie de Jérèm. Plus court, Yves aurait gagné en intensité (Gaz de France le premier film de Benoît Forgeard faisait 20 minutes de moins), là il se répète un peu, mais c'est déjà bien.

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