jeudi 27 juin 2019

La Femme de mon frère (Monia Chokri, 2019)


Deux gamins, voilà ce que sont Sophia (Anne-Elisabeth Bossé) et Karim (Ptrick Hivon), pourtant adultes quand le spectateur est confronté à eux. Une sœur et un frère, deux gamins dans un Montréal d'aujourd'hui. Ils se chamaillent, ils se lancent des défis stupides en se posant des questions insolubles (tu préférerais avoir un cancer ou nager dans ton vomi pendant une journée), ils se coupent pendant les discussions. Mais ils sont inséparables.

Les gamineries sont amusantes et divertissantes mais elles ne seraient rien sans ce montage virevoltant que pratique Monia Chokri pendant presque toute la durée de son film. Il consiste à éliminer les secondes inutiles ce qui provoque là aussi un étonnement visuel, des petits trous dans les scènes qui ne sont pas sans rappeler les conversations de chambre de Jean-Luc Godard, à ses débuts, mais aussi ces vidéos youtube actuelles toute hachées.

Tout est donc question de rythme dans La Femme de mon frère jusqu'à l'ivresse des personnages qui semblent ne jamais s'interrompre d'être actif. Mais le frère et la sœur ont de qui tenir, le premier clou du film est ce repas familial complètement dingue avec une mère soixantenaire (Micheline Bernard) qui débarque d'une manifestation de gauche (pléonasme) et un père (Sasson Gabai) qui se proclamera plus tard révolutionnaire même s'il vit comme un bourgeois.

Il n'y a presque pas d'histoire dans La Femme de mon frère si ce n'est celle de ce titre, cette femme qui va rencontrer Karim puis commencer à sortir avec lui. Elle s'appelle Eloïse (Evelyne Brochu) et les circonstances de leur rencontre vaut son pesant de cacahuètes mais ne doit rien au hasard, car même si l'histoire est minimaliste, une logique claire et distincte appelle chaque scène. Le hasard ne rime pas chez la cinéaste canadienne avec l'incohérence.

En toute cohérence, vu ce que l'on a vu depuis le début du film, cette liaison si forte entre Sophia et Karim quasi incestueuse va se cogner à cette aventure amoureuse qu'a ce dernier va mettre Sophia dans un état pas possible. Pour résumer la situation, elle reste une gamine, lui passe du jour au lendemain à l'état d'adulte. Le burlesque délirant (aussi brillant que chez Antonin Peretjaltko) dérive vers une forme plus apaisée visuellement mais c'est la tempête sous un crâne.

Sans aucun doute, le film parle de la vie au Québec, au hasard du chômage chez les thésards, hilarante première scène « d'embauche » de Sophia par quatre vieillards universitaires, de l'embourgeoisement des anciens gauchistes, de l'avortement et de la contraception (là-haut, ce n'est pas un problème), de l'ennui qu'on trompe en lisant du Edika (excellente idée), alors que l'excitation sexuelle peut être entendue avec du free jazz.

La liberté de ton ne va pas sans un certain ennui au bout d'une heure, comme une sorte d'épuisement des idées de Monia Chokri, c'est parfois le problème de films en forme de chronique, cela s'accentue quand Karim s'extrait provisoirement du film lorsqu'il devient sage. La forme prend le relais, tel ces « fondus » colorés pour passer d'un chapitre à l'autre. Mais ce qui est le plus important est cet humour jovial et communicatif.

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