Deux
gamins, voilà ce que sont Sophia (Anne-Elisabeth Bossé) et Karim
(Ptrick Hivon), pourtant adultes quand le spectateur est confronté à
eux. Une sœur et un frère, deux gamins dans un Montréal
d'aujourd'hui. Ils se chamaillent, ils se lancent des défis stupides
en se posant des questions insolubles (tu préférerais avoir un
cancer ou nager dans ton vomi pendant une journée), ils se coupent
pendant les discussions. Mais ils sont inséparables.
Les
gamineries sont amusantes et divertissantes mais elles ne seraient
rien sans ce montage virevoltant que pratique Monia Chokri pendant
presque toute la durée de son film. Il consiste à éliminer les
secondes inutiles ce qui provoque là aussi un étonnement visuel,
des petits trous dans les scènes qui ne sont pas sans rappeler les
conversations de chambre de Jean-Luc Godard, à ses débuts, mais
aussi ces vidéos youtube actuelles toute hachées.
Tout
est donc question de rythme dans La Femme de mon frère
jusqu'à l'ivresse des personnages qui semblent ne jamais
s'interrompre d'être actif. Mais le frère et la sœur ont de qui
tenir, le premier clou du film est ce repas familial complètement
dingue avec une mère soixantenaire (Micheline Bernard) qui débarque
d'une manifestation de gauche (pléonasme) et un père (Sasson Gabai)
qui se proclamera plus tard révolutionnaire même s'il vit comme un
bourgeois.
Il
n'y a presque pas d'histoire dans La Femme de mon frère si ce
n'est celle de ce titre, cette femme qui va rencontrer Karim puis
commencer à sortir avec lui. Elle s'appelle Eloïse (Evelyne Brochu)
et les circonstances de leur rencontre vaut son pesant de cacahuètes
mais ne doit rien au hasard, car même si l'histoire est minimaliste,
une logique claire et distincte appelle chaque scène. Le hasard ne
rime pas chez la cinéaste canadienne avec l'incohérence.
En
toute cohérence, vu ce que l'on a vu depuis le début du film, cette
liaison si forte entre Sophia et Karim quasi incestueuse va se cogner
à cette aventure amoureuse qu'a ce dernier va mettre Sophia dans un
état pas possible. Pour résumer la situation, elle reste une
gamine, lui passe du jour au lendemain à l'état d'adulte. Le
burlesque délirant (aussi brillant que chez Antonin Peretjaltko)
dérive vers une forme plus apaisée visuellement mais c'est la
tempête sous un crâne.
Sans
aucun doute, le film parle de la vie au Québec, au hasard du chômage
chez les thésards, hilarante première scène « d'embauche »
de Sophia par quatre vieillards universitaires, de l'embourgeoisement
des anciens gauchistes, de l'avortement et de la contraception
(là-haut, ce n'est pas un problème), de l'ennui qu'on trompe en
lisant du Edika (excellente idée), alors que l'excitation sexuelle
peut être entendue avec du free jazz.
La
liberté de ton ne va pas sans un certain ennui au bout d'une heure,
comme une sorte d'épuisement des idées de Monia Chokri, c'est
parfois le problème de films en forme de chronique, cela s'accentue
quand Karim s'extrait provisoirement du film lorsqu'il devient sage.
La forme prend le relais, tel ces « fondus » colorés
pour passer d'un chapitre à l'autre. Mais ce qui est le plus
important est cet humour jovial et communicatif.
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