« Tâchez
d'être affectueuse avec lui ». Tel est l'ordre de la mère
supérieure du couvent donnée à Viridiana (Silvia Pinal) novice qui
doit bientôt devenir une sœur recluse. La jeune femme doit montrer
son affection à son oncle Don Jaime(Fernando Rey). Le demande ne
devait pas mener vers là où Viridiana va aller, d'ailleurs elle ne
voulait pas se rendre chez cet oncle qu'elle connaît à peine. La
supérieure insiste en rappelant que l'homme a payé pour son
éducation.
Elle
obéit et découvre un sympathique vieil homme, bon avec ses
employés, la pauvre il a accueilli la fillette de sa bonne Ramona
(Margarita Lozano). Don Jaime habite un château et fait installer
Viridiana dans une chambre à l'étage. Cette bonne observe par le
trou de la serrure la religieuse ouvrir sa valise et en sortir une
croix en bois et une couronne d'épine, la panoplie parfaite de la
bigote. Elle s'empresse d'aller rapporter tout cela à son patron.
L'aristocrate en prend bonne note.
Ce
dernier est veuf depuis le jour de son mariage, belle ironie
développée par Luis Buñuel et qui va accaparer les nuits de
Viridiana. Don Jaime demande un service à sa nièce et pour être
affectueuse avec lui, elle accepte de mauvaise grâce. Surtout parce
qu'elle pense devoir se faire pardonner d'avoir souiller le lit de
son oncle une nuit d'insomnie, elle a récupéré des cendres dans la
cheminée et les a déversées sur les draps, comme une métaphore de
la perte de sa virginité.
Ce
caprice de Don Jaime est qu'elle doit porter la robe de mariée de
feue son épouse. Elle devait épouser le Christ dans une cérémonie
au couvent, mais symboliquement elle épouse son oncle. Chaque
employé de la maisonnée remarque le ressemblance physique de la
nièce avec l'épouse décédée de Don Jaime, un portrait la
représentant est accroché dans le grand salon. C'est ce trouble qui
fait basculer Viridiana dans une vie qu'elle n'avait pas demandée.
Un
évanouissement de la jeune femme, une caresse de Don Jaime sur ses
jambes quand il la remet en tenue de mariée sur son lit, la
découverte par Ramona en soulevant les draps qu'il n'a pas abusé de
sa nièce. Cela ne suffit pas, l'aristocrate se pend le jour-même à
un chêne du jardin, avec la corde à sauter de la fillette de
Ramona. Viridiana devient l'héritière du domaine en attendant que
Jorge (Franciso Rabal) le fils illégitime de Don Jaime n'arrive.
Elle
se sent coupable de la mort de son oncle. Elle va chercher la
rédemption à tout prix en accueillant tous les pauvres du village
dans les combles de la demeure. Luis Buñuel a l'art de choisir des
gueules cassées, des vieillards édentés, des bonnes femmes au
physique ingrat pour faire peupler le château, la cuisine, les
jardins sous le regard incompréhensifs des employés puis de Jorge
et de sa maîtresse, qui ne supporte pas la pauvreté étalée devant
leurs yeux, pas plus que les propos peu délicats de ces indigents.
Car
le film ne prend pas de cuiller pour décrire tous ces nouveaux
locataires et en fait même une parade monstrueuse mais drolatique
lors d'un repas mémorable tandis que Viridiana, Jorge et Ramona sont
allés au notaire. On se rend compte tandis que les invités se
goinfrent, se soûlent la gueule puis cassent tout ce qui traîne,
dont la robe de mariée, qu'ils sont treize à table. Luis Buñuel se
fait un malin plaisir à les filmer tous assis comme lors de la cène.
Le
regard plein de compassion naïve - et pour tout dire ridicule –
de la géniale actrice Silvia Pinal fait toute la saveur du film,
cinq ans plus tard, elle jouera avec encore plus de délice le diable
barbu qui tente Simon du désert. En 1961, Luis Buñuel revenait,
très provisoirement en Espagne, encore sous la tyrannie de Franco et
de ses cohortes de bigots, pour tourner son film parmi les plus
clairvoyants sur l'hypocrisie de la religion. Ça méritait bien une
Palme d'or.
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