dimanche 9 juin 2019

Les Beaux gosses (Riad Sattouf, 2009)

Comme disait l'autre « Emma Bovary c'est moi », en regardant Les Beaux gosses qui a déjà 10 ans et toutes ses dents, je me suis toujours dit « cet Hervé c'est moi ». C'était donc en 2009 que le jeune Vincent Lacoste a débarqué sur les écrans de cinéma dans le rôle de cet ado boutonneux et portant un appareil dentaire. Hervé et tous ses amis, copains et camarades de classe ont les mêmes souvenirs que moi, on n'est pas dans La petite bourgeoisie de La Boum, pas seulement, chez Riad Sattouf toutes les classes (scolaires) sociales sont représentées.

Dès le premier plan sur ces boutons d'acné par franchement ragoutants, le film aspire à faire vrai, or rien n'est plus difficile que faire vrai, c'est extrêmement compliqué de montrer simplement des adolescents en train de grandir, de les faire parler dans leur propre langage sans que ça fasse trop écrit ni que ça sonne faux. Riad Sattouf réussit cet exploit de la justesse non sans céder à un parler SMS, l'hilarant tropa lors de la séance de spiritisme, le mot transmis à Hervé en phonétique, mais ce sont deux messages écrits et non oraux.

Hervé a un dessein, séduire la jolie brune Aurore (Alice Tremollières). Il la croise tous les jours dans le bus qui l'emmène de chez lui au lycée, un parcours quotidien (deux fois même) où il tente, du mieux qu'il le peut, de lui parler. C'est au fil des trajets des valses hésitations où la timidité des deux ados se confrontent à l'entrée dans le monde adulte. Or ce monde adulte est incarné par une mère immature (Noémie Lvovsky), personnage génial qui espère résoudre l'énigme de son fils en entrant à l'improviste dans la salle de bains.

L'acné et l'appareil dentaire, le pull jacquard d'Hervé, la veste en jean de Camel (Anthony Sonigo) et sa coupe mulet, de toute évidence truffe son récit de souvenirs (qu'on imagine douloureux) de sa jeunesse qui passent par des objets (le catalogue de la Redoute qu'on feuillette), des situations vécues (lors d'une boom, la honte de voir sa mère danser serrée avec le père d'un de ses camarades de classe qu'on n'aime pas), le film érotique qu'on regarde en secret (starring Valeria Golina et Riad Sattouf).

L'amour que notre héros boutonneux et complexé est mis à rude épreuve par son amitié avec Camel. Car Hervé se crée un personnage qu'il n'est pas, il se met toujours en scène devant ses amis du lycée (des superbes caricatures de bédé), devant sa mère, devant Aurore. Il s'invente un petit monde où il serait un grand séducteur, où il enchaîne les conquêtes. C'est là que se niche l'essentiel de l'humour un peu triste parfois, mais jamais Riad Sattouf se moque de son personnage, il a de la tendresse pour lui.

Le monde des adultes est varié. La maman d'Hervé est divorcée, ils habitent dans un petit appartement de banlieue où il pleut de la merde sur les fringues qui sèchent sur le balcon. La maman d'Aurore (Irène Jacob) a aussi une grande importance puisque Camel en tombe amoureux. Et c'est justement cette maman qui est sur le catalogue de la Redoute. Et enfin les profs (mention spéciale à Nicolas Maury, délirant), certains sont des amis bédéistes et Emmanuelle Devos en proviseure évaporée.


Ces échanges entre un passé des années 1980 (où vivait Riad Sattouf dans son adolescence) et les années 2000 finissantes forment cette intemporalité qui fonctionnait parfaitement il y a 10 ans et qui demeure intacte aujourd'hui. Les Beaux gosses est l'inverse incarné de LOL de Lisa Azuélos, l'autre film ado de l'époque, photographie instantanée dans l'année 2008, donc totalement désuet aujourd'hui, là est le plus grand paradoxe de ces films qui ont besoin de se séparer des clichés de son temps pour rester actuel.






















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