mardi 18 juin 2019

Silence (Masahiro Shinoda, 1971)

La curiosité des sorties de la semaine est ce Silence dont l'histoire est connue depuis que Martin Scorsese s'en est emparé en 2016 avec son film également titré Silence. Le film de Masahiro Shinoda date de 1971, il ne fait que 2h09 entièrement consacré au parcours du prêtre portugais Sebastão Rodrigues (David Lampson). Il débarque avec un autre Jésuite, Garrde (Don Kenny) grand chauve tandis que Rodriguez est bien chevelu, les deux curés sont guidés par Kichijiro (Mako), un Japonais renégat selon les marins qui font traverser les deux Portugais.

Ils sont partis à la recherche d'un des leurs, le père Ferreira, disparu depuis 20 ans, depuis que le shogun a interdit la religion chrétienne. Dans le prologue qui ouvre Silence, il est entendu un court cours d'histoire de la chrétienté au Japon, de l'arrivée des premiers jésuites avec à leur tête Saint François-Xavier en 1549 à leur persécution. Une phrase retient l'attention, ces jésuites sont venus apporter l'évangile tout en apportant les fusils et les armes à feu dans un empire qui ne connaissait jusque là que le sabre.

La première étrangeté, et qui doit probablement être commune avec le film de Martin Scorsese (je ne l'ai pas vu, j'avais cours de japonais ce jour-là), est d'entendre ces prêtres portugais causer anglais entre eux, ce qui vaut des sous-titres japonais avec sous les français. En revanche, ils parlent couramment japonais quand ils s'adressent à leurs hôtes comme à leurs ennemis, car Rodrigues et Garrde sont activement recherchés par les soldats du gouverneur Inoue (Eiji Okada), que l'on ne verra que dans la deuxième heure.

La première heure est dédiée à la quête vaine et aveugle de Rodrigues. Il arrive dans ce Japon du 17ème siècle sans rien n'y connaître vraiment, sauf la langue et la Bible. Toute la première partie est tournée presque clandestinement, dans des lieux sombres, on y chuchote, on vit baissé à l'abri des regards. De ce point de vue, la vie secrète que doivent mener les japonais chrétiens de cette époque violente est décrite avec une volonté de tension, voire de suspense constant. La mise en scène transforme ce film d'époque en thriller à l'ambiance poisseuse.

Le personnage le plus palpitant du film est secondaire, c'est ce Kichijiro qui semble régulièrement renier sa foi pour survivre. C'est le seul qui a compris le système de survie dans cette période troublée où mourir dans l'honneur est plus important que vivre. Mais sa vie est difficile et la folie le menace presque autant que les ennemis qu'il se fait à chaque reniement de sa foi. Les dernières scènes où il apparaît dans l'eau, seul, sont filmées de loin, en plan très large dans une semi obscurité comme pour rappeler la solitude de sa vie.

L'eau est un élément important du film. Elle baptise en secret un nourrisson japonais, rare acte religieux de Rodrigues. Elle tue également les fidèles qui refusent l'apostasie, de renier leur foi. Les hommes de Inoue en tuent trois, cloués sur des croix plantées au bord de la plage. La marée les noiera. Plus tard, ce sont des hommes emmaillotés qui seront jetés vivants dans un lac. La dernière partie est une suite ininterrompue de tortures diverses et variées, toutes plus raffinées les uns que les autres, pour reprendre une expression.

Vient enfin le grand finale avec le retour du père prodigue, le Jésuite Ferreira qui est toujours vivant mais qui a décidé de devenir japonais. C'est d'ailleurs un acteur japonais qui l'incarne, Testuro Tanba, affublé d'une large barbe et incroyablement grimé. C'est alors un tunnel de dialogues verbeux auquel on a droit où deux visions se confrontent, celle de deux portugais qui se retrouvent 20 ans plus tard. Ces diatribes sont la limite du film qui a quand même un peu pas mal vieilli offrant un petit côté ringard pas désagréable mais pas non plus enthousiasmant.

Aucun commentaire: