La
curiosité des sorties de la semaine est ce Silence dont
l'histoire est connue depuis que Martin Scorsese s'en est emparé en
2016 avec son film également titré Silence. Le film de
Masahiro Shinoda date de 1971, il ne fait que 2h09 entièrement
consacré au parcours du prêtre portugais Sebastão Rodrigues (David
Lampson). Il débarque avec un autre Jésuite, Garrde (Don Kenny)
grand chauve tandis que Rodriguez est bien chevelu, les deux curés
sont guidés par Kichijiro (Mako), un Japonais renégat selon les
marins qui font traverser les deux Portugais.
Ils
sont partis à la recherche d'un des leurs, le père Ferreira,
disparu depuis 20 ans, depuis que le shogun a interdit la religion
chrétienne. Dans le prologue qui ouvre Silence, il est entendu un
court cours d'histoire de la chrétienté au Japon, de l'arrivée des
premiers jésuites avec à leur tête Saint François-Xavier en 1549
à leur persécution. Une phrase retient l'attention, ces jésuites
sont venus apporter l'évangile tout en apportant les fusils et les
armes à feu dans un empire qui ne connaissait jusque là que le
sabre.
La
première étrangeté, et qui doit probablement être commune avec le
film de Martin Scorsese (je ne l'ai pas vu, j'avais cours de japonais
ce jour-là), est d'entendre ces prêtres portugais causer anglais
entre eux, ce qui vaut des sous-titres japonais avec sous les
français. En revanche, ils parlent couramment japonais quand ils
s'adressent à leurs hôtes comme à leurs ennemis, car Rodrigues et
Garrde sont activement recherchés par les soldats du gouverneur
Inoue (Eiji Okada), que l'on ne verra que dans la deuxième heure.
La
première heure est dédiée à la quête vaine et aveugle de
Rodrigues. Il arrive dans ce Japon du 17ème siècle sans rien n'y
connaître vraiment, sauf la langue et la Bible. Toute la première
partie est tournée presque clandestinement, dans des lieux sombres,
on y chuchote, on vit baissé à l'abri des regards. De ce point de
vue, la vie secrète que doivent mener les japonais chrétiens de
cette époque violente est décrite avec une volonté de tension,
voire de suspense constant. La mise en scène transforme ce film
d'époque en thriller à l'ambiance poisseuse.
Le
personnage le plus palpitant du film est secondaire, c'est ce
Kichijiro qui semble régulièrement renier sa foi pour survivre.
C'est le seul qui a compris le système de survie dans cette période
troublée où mourir dans l'honneur est plus important que vivre.
Mais sa vie est difficile et la folie le menace presque autant que
les ennemis qu'il se fait à chaque reniement de sa foi. Les
dernières scènes où il apparaît dans l'eau, seul, sont filmées
de loin, en plan très large dans une semi obscurité comme pour
rappeler la solitude de sa vie.
L'eau
est un élément important du film. Elle baptise en secret un
nourrisson japonais, rare acte religieux de Rodrigues. Elle tue
également les fidèles qui refusent l'apostasie, de renier leur foi.
Les hommes de Inoue en tuent trois, cloués sur des croix plantées
au bord de la plage. La marée les noiera. Plus tard, ce sont des
hommes emmaillotés qui seront jetés vivants dans un lac. La
dernière partie est une suite ininterrompue de tortures diverses et
variées, toutes plus raffinées les uns que les autres, pour
reprendre une expression.
Vient
enfin le grand finale avec le retour du père prodigue, le Jésuite
Ferreira qui est toujours vivant mais qui a décidé de devenir
japonais. C'est d'ailleurs un acteur japonais qui l'incarne, Testuro
Tanba, affublé d'une large barbe et incroyablement grimé. C'est
alors un tunnel de dialogues verbeux auquel on a droit où deux
visions se confrontent, celle de deux portugais qui se retrouvent 20
ans plus tard. Ces diatribes sont la limite du film qui a quand même
un peu pas mal vieilli offrant un petit côté ringard pas
désagréable mais pas non plus enthousiasmant.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire