mercredi 5 juin 2019

L'Autre continent (Romain Cogitore, 2019)


Carpe Diem. Telle une adolescente attardée devant Le Cercle des poètes disparus, Maria (Déborah François) vit au jour le jour, plus précisément la nuit. En ce début de film, elle se fait conduire par sa mère pour dire adieu à tous ces anciens amants et quand sa mère lui demande pourquoi elle a tant de petits amis, elle répond par ces deux simples mots, avec un sourire qui lui traverse le visage, Carpe Diem, profite de chaque jour.

Elle s'enfuit à Taïwan pour écrire un livre, on n'en saura pas vraiment plus. Là-bas, aux antipodes, dans cet autre continent qui s'avère être une île observée par le cinéaste comme une miniature avec ces plans qui scrutent les détails, elle fait guide touristique, car il faut bien vivre. Maria parle néerlandais, alors elle fait la guide pour les Hollandais qui visitent Taïwan. Sur les lieux touristiques, elle croise un jeune homme Olivier (Paul Hamy).

Lui aussi parle néerlandais mais aussi mandarin et il se moque gentiment du chinois de Maria, avec un petit sourire, comme l'acteur en offre dans tous ses personnages (L'Ornithologue, Jessica forever en mai et Sibyl il y a quinze jours). Olivier est l'incarnation de la douceur mais aussi de la candeur face à une Maria qui lui rentre dedans. Elle domine ce couple qui se forme sur des objectifs opposés : elle veut coucher sans se soucier du lendemain (Carpe Diem), il tombe amoureux.

Avec toutes les langues qu'ils possèdent et qui sortent de leur bouche comme par magie, il se crée un monde dans leur petit appartement (l'un des autres continents que peut contenir le titre). Ils ont une méthode pour se proposer de faire l'amour particulière et amusante, trouver le lieu dans une des langues qu'ils parlent. C'est beau d'entendre cette polyphonie de langues, tellement rare d'écouter ce mélange sans que l'anglais ne prenne le dessus.

Tout ce romantisme s'arrête brutalement quand Olivier tombe malade. Le dernier autre continent du film se met en place, celui de sa mémoire défaillante de son cerveau abimé, un continent auquel Maria a de moins en moins accès. C'est sans doute là que veut en venir le jeune réalisateur, filmer cet indicible, cette part de leur histoire qui s'efface, se réinvente, un palimpseste sous la forme d'un scénario qui ne cesserait d'être écrit en direct par les personnages.

Il se dégage une étonnante douceur, celle de Paul Hamy, l'acteur le plus soyeux du cinéma français, ce doux géant à côté de la petite Déborah François. Le retour en France pour consulter leur médecin (Vincent Perez qu'on ne voit presque plus au cinéma) se traduit par des allers et retours de plusieurs niveaux, temporels, géographiques et amoureux. Tout cela n'est pas si commun dans le cinéma français.

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