Dans
un long entretien accordé à Jean-François Rauger (Cahiers du
cinéma N°501 avril 1996) à l'occasion d'une rétrospective à la
Cinémathèque Française, Alain Delon déclarait que Le
Professeur était l'un de ses films préférés, qu'il avait
effectivement remplacé Marcello Mastroianni pour le rôle et qu'il
espérait que la version présentée serait intégrale. Il aura fallu
attendre 23 ans pour la découvrir cette version complète du film de
Valerio Zurlini.
Le
gris de la ville maritime de Rimini est intact, c'est une atmosphère
cotonneuse, presque poisseuses qui enrobe ce personnage de Dominici
que joue Alain Delon. Il n'esquissera pas un sourire (ou presque) de
tout le film, ne quittera jamais son manteau marron, il porte une
barbe de trois jours et fume des cigarettes. Ce professeur est un
solitaire, il ne vit que pour lui, ses élèves et le proviseur de
son lycée vont vite le découvrir.
En
cours, il achète le Figaro littéraire et le lit pendant que ses
lycéens font une dissertation. Il les autorise à fumer en classe.
Ça fait enrager la direction, mais Dominici n'en a pas grand chose à
faire. Il ne fait que remplacer un collègue. Il n'est là que pour
quelques semaines. Il va vite se faire une bande d'amis à jouer au
scopone, au poker, au cartes avec Marcello (Renato Salvatori), Spider
(Giancarlo Giannini), Gerardo (Adalberto Merli).
Ils
sont fringants ces quadragénaires, vieux beaux qui passent leur
temps à traiter les femmes de salopes, à leur mettre la main au
cul, à courir après le poker les boîtes de nuit en costard cravate
et picoler jusqu'à plus soif. Valerio Zurlini n'est pas tendre avec
ces hommes machos qui ne pensent qu'à la bagatelle, seul Dominici
semble observer ce petit manège d'un peu haut, ce qui d'ailleurs lui
sera reproché par ses nouveaux amis.
Le
regard glacial d'Alain Delon se porte sur une de ses élèves, Vanina
(Sonia Petrova), 19 ans, par ailleurs la petite amie de Gerardo, ce
qui n'est pas sans créer au sein du groupe quelques troubles.
Gerardo vient la chercher en Ferrari bleue, Dominici n'a qu'une
vieille traction avant Citroën, le cœur de la jeune fille balance
entre le beau riche et le triste pauvre qui n'a comme cadeau à lui
faire qu'un exemplaire du roman Vanina Vanini de Stendhal.
Spider,
presque le sosie jovial et dévergondé de Dominici, encourage cette
liaison amoureuse. Marcello, agent immobilier, prête les maisons
qu'il loue pour le parties de poker puis les amourettes clandestines.
L'une des choses les plus frappantes, peu soulignée par le cinéaste
mais constamment visible, est le décor de ces maisons, sur les murs
se trouvent toujours des toiles, natures mortes, peintures
religieuses ou classiques ou référencées comme telles.
Il
faut s'habituer à ce que Alain Delon parle italien avec la voix d'un
autre et à l'infinie mélancolie du film. Il n'est pas étonnant que
Le Professeur soit l'un de ses films favoris, il jure tant
dans son travail de l'époque (essentiellement des gros films
commerciaux entre Henri Verneuil et Jacques Deray), comme plus tard
son travail avec Bertrand Blier (Notre histoire) lui apportera
un rôle encore plus à l'opposé des balourds films policiers des
années 1980.
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