mercredi 8 juin 2016

The Neon demon (Nicolas Winding Refn, 2016)

J'aime beaucoup le générique de The Neon demon, musique tonitruante (comme chaque fois que Nicolas Winding Refn inclut de la musique dans ce film, ici une sorte de techno minimaliste et sourde), une vitre qui capte différentes couleurs comme dans le logo de la Shaw Brothers. Après Dieu et la Thaïlande de Only God forgives, voici le démon de Los Angeles, tout en oxymore et métaphore filée (démon anges, Hell Elle Fanning). Voilà de quoi lancer une nouvelle version, bien scabreuse, bien tarabiscotée, bien sanglante de Blanche Neige.

Elle Fanning est donc Jesse, apprentie mannequin de « 19 ans », comme lui demande de répondre sa manager (Christian Hendricks, que l'on ne voit que dans une scène). En vérité, Jesse a 16 ans, elle débarque de sa Géorgie natale, elle n'a plus ses parents. La scène d'ouverture, dans un travelling arrière et avant, a montré Jesse sous toutes les coutures, photographiée par un jeune homme au visage impassible. Aucun mot ne sera échangé, la musique est de toute façon trop forte pour laisser la place à des dialogues. Jesse est allongée sur un divan, des paillettes sur le visage, les bras ensanglantés.

Passer de la musique tonitruante avec des mouvements de caméra amples à une scène de dialogues en champ contre-champ provoque un effet prononcé de déstabilisation. Tout le film fonctionnera ainsi, alternant les mouvements sonores et visuels avec les passages plus calmes. Cette absence de repères installe du mystère entre les personnages, en tout premier lieu entre Ruby (Jena Malone) et Jesse. Elles se rencontrent juste après cette première séance de shooting, Ruby est tout sourire mais ce sourire cache des choses. En tout cas, on l'espère.

The Neon demon ne sera pas un film sur le mannequinat, sur la gloire éphémère ou sur la beauté. S'il l'est, c'est par inadvertance, par pure conclusion logique de ce que l'on voit. The Neon demon reprend vraiment cette histoire de sorcière qui décide, par jalousie, de s'emparer de la beauté fatale d'une jeune femme pure et vierge. Et cette sorcière est une hydre à trois visages, Ruby la maquilleuse, Gigi (Bella Heatcote) adepte de la chirurgie et Sarah (Abbey Lee) dont la beauté se fane.

Le film est ainsi le récit distancié de l'accaparement de cette beauté. On sent assez vite que Ruby a un comportement étrange. La candeur de Jesse dans cet univers est vite déréglée face à Ruby qui la toise lors des rencontres avec les photographes de mode, qui la chouchoute quand tout va mal, qui cherche à la séduire. Ruby encercle sa proie comme une araignée, une veuve noire. D'ailleurs, dans la vie hors mannequinat, ce ne sont pas les modèles qu'elle maquille.Et là, Nicolas Winding Refn va jusqu'au bout de la folie de son personnage.

Pendant les quelques journées que dure The Neon demon, ou plutôt les nuits scandées par la pleine lune, Jesse croise plusieurs hommes. Dean (Karl Glusman), le photographe amateur qui la prend en photo en début de film, éventuel flirt de Jesse. L'autre photographe Jack (Desmond Harrington) qui veut être seul avec elle dans une immense pièce toute blanche (impressionnant sur un grand écran) est bien plus inquiétant. Mais chacun ne cherche qu'à voler un peu de l'âme pure de Jesse.

Deux autres hommes sont aussi étranges que l'hydre Ruby. Keanu Reeves est le tenancier du motel minable dans lequel Jesse a élu domicile. Colérique, il demande à Jesse de l'indemniser quand un puma s'introduit dans sa chambre. Alessandro Nivola joue un mogul de la création, entre Tom Ford (physiquement et sexuellement) et Meryl Streep dans Le Diable s'habille en Prada, véritable deus ex machina de la descente aux enfers de Jesse. The Neon demon est un film sur l'enfer sur terre d'une princesse si gentille et innocente.

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