lundi 6 juin 2016

L'Empire de la passion (Nagisa Oshima, 1978)

1895, un petit village du Japon. L’ancien soldat Toyoji (Tatsuya Fuji) traine son ennui dans les rues de la petite communauté, son uniforme de l’armée porté nonchalamment sur son torse nu. Jeune homme célibataire, mais viril puisqu’il porte une moustache, il cherche à s’attirer les faveurs sexuelles de Seki (Kazuko Yoshiyuki), mère de famille (elle a une fille adolescente et un nourrisson) et mariée à Gisaburo (Takahiro Tamura), le tireur de pousse-pousse du village. Elle proteste mollement à cause de leur différence d’âge mais elle se laisse séduire par lui. Il pousse le nourrisson endormi à côté d’elle, une après-midi d’été, et se met à téter son sein. C’est la première étape de leur liaison secrète et adultère.

Le jour où il la force à se laisser entièrement raser le pubis, elle deviendra sa propriété, il la possédera toute entière. Seki ne pourra plus se montrer nue devant son époux sans qu’il ne soupçonne l’adultère. La première partie de L’Empire de la passion est consacrée aux jeux amoureux et sexuels des deux amants. Contrairement à L’Empire des sens, l’érotisme est diffus, caché, les sexes sont cachés par les corps des partenaires (elle à genoux devant lui baissant son pantalon pour montrer sa verge en érection quand elle se refuse à lui ; lui à genoux devant elle allongée quand il la rase). Leur passion est réelle, mais doit rester intime car personne dans le village ne doit être au courant. Et surtout pas le mari. La solution est vite trouvée : le tuer.

Ils l’étranglent ensemble, avec une corde. Ils emmènent le corps de Gisaburo en forêt et le jette au fond d’un puits, dans une des plus belles scènes du film où la neige les recouvre presque. La caméra est au fond du puits, point de vue aveugle puisque personne ne s’y trouve, si ce n’est bientôt un cadavre, mais cela fait passer le film dans le champ du fantastique. Seki dira aux villageois que son époux est parti à Tokyo. Au bout de trois ans, personne n’a de ses nouvelles mais cela n’empêche pas les villageois de lancer des rumeurs (le chœur des trois vieilles rombières qui disent tout haut ce que chacun pense tout bas), de se poser des questions et de croire qu’elle a une liaison avec Toyoji. Ce dernier refuse toujours de s’installer avec elle, il veut continuer à maintenir un secret qui ronge la passion amoureuse que lui porte Seki.

Virage vers le fantastique donc. Le mari vient hanter les rêves des villageois. D’abord un voisin qui affirme lui avoir parlé en songe. Puis, la fille de Gisaburo qui évoque un puits. Enfin Seki qui le voit apparaitre chez lui, le visage blanc comme les morts. Il ne parlera jamais, il la fixera. Le fantastique de Nagisa Oshima n’est pas conçu pour effrayer. Il est poétique et métaphorique afin d’exprimer la folie des deux amants. Elle qui cherche à exorciser la culpabilité qui la ronge, lui qui jette chaque jour des feuilles dans le puits comme pour recouvrir un crime qu’il n’assume pas. Ces gestes les rendent coupables à la fois aux yeux des villageois et de l’inspecteur venu enquêter sur la trop longue disparition du mari. Ce que montre L’Empire de la passion est une société malade de ses préjugés bâtis sur des fondements rétrogrades qui contamine et condamne ceux qui voudraient s’en échapper.



















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