vendredi 10 juin 2016

Foot au cinéma, en quelques films

Le cinéma a rarement réussi à filmer le football, tout du moins à retranscrire et mettre en scène ses phases de jeu, à représenter le suspense d'un match, la tension entre les joueurs. C'est d'autant plus paradoxal qu'un match de foot fait la même durée qu'un film. John Huston avec A nous la victoire (1981) avait beau s'entourer de Pelé (mais aussi de Sylvester Stallone plus connu pour ses talents de boxeur), il n'arrivait pas à rendre intelligible les matchs, donc à les rendre crédibles. En 1979, Jean-Jacques Annaud avait pourtant tout compris de la manière de filmer le foot dans Coup de tête. L'énergie et la fougue de Patrick Dewaere devaient beaucoup à la mise en scène du cinéaste. L'acteur était suivi par la caméra qui captait les matchs comme une chorégraphie. A cela s'ajoutait des enjeux dramatiques moins lourds que chez John Huston, la vie en usine et les rapports avec la patronat ici, la vie de prisonnier et les relations avec les nazis là.

En 2005, Danny Cannon s'était lancé avec Goal dans le portrait édifiant d'un jeune footballeur mexicain promis à un bel avenir. Goal, comme ses suites (le N°3 n'est même pas sorti au cinéma) n'était qu'un ramassis de clichés sur l'argent, les femmes et les footballeurs. Là encore, les matchs étaient platement filmés, atrocement montés et bourrés de faux raccords. Pas étonnant que les films furent des bides. Les films de foot ne sont pas comme les autres films de sport collectif. Au basket, au football américain, au baseball, le suspense repose sur le chronomètre qui peut s'arrêter, suspendre le temps et l'action, le cinéma peut se focaliser sur les personnages annexes, les enjeux extérieurs au match, il peut prolonger, accélérer et ralentir le temps. C'est comme si Hollywood avait inventé ces sports. Le football est un sport de longue haleine, parfois même sans suspense ni tension pendant le match. C'est pourquoi, souvent le cinéma de foot filme autre chose que le match.

Dominique Rocheteau (gagnant de l'Euro 1984) a fait l'acteur pour Maurice Pialat (Le Garçu, 1995), cette même année, Eric Cantona a commencé sa carrière de comédien, du Bonheur est dans le pré d'Etienne Chatilliez (1995) aux Rencontres d'après minuit (Yann Gonzalez, 2013) en passant par Looking for Eric de Ken Loach (2009). Le moins que l'on puisse dire est que Cantona ose tous les genres et fait une carrière originale et exigeante. On trouve régulièrement des anciens footballeurs venus faire un cameo dans une comédie bien française sur le foot. Rarement le niveau de nos comédies françaises dépassent le comique troupier (3 zéros de Fabien Onteniente, 2002, Les Seigneurs d'Olivier Dahan, 2012 ou La Dream team de Thomas Sorriaux, 2016). De ce marasme comique surnagent Didier magnifique premier film d'Alain Chabat (1996) et Le Crocodile du Botswanga de Lionel Steketee et Fabrice Eboué (2014). Ce dernier film effleure le sujet des jeunes prodiges que l'Europe arrache à leur pays d'origine, sujet de Comme un lion de Samuel Collardey (2012).

Aux USA, le « soccer » est avant tout un sport féminin. Dans le récent Joyeuse fête des mères (Garry Marshal, 2016), Jason Sudeikis emmène ses deux filles au football. C'est en tout cas un sport minoritaire aux USA. She's the man d'Andy Fickman (2006) le montre parfaitement. Une jeune femme, suite à la suppression de son équipe féminine, se travestit en homme pour intégrer l'équipe masculine et tombe amoureuse du capitaine (Channing Tatum à ses débuts) dont la petite amie tombe amoureuse du personnage travesti en garçon. Le film est médiocre mais il évoque la virilité que les footballeurs comme leurs supporters intrinsèque à ce sport. Ce sera aussi le sujet de Tomboy de Céline Sciamma (2011), de The Beautiful thing d'Hettie MacDonald (1995), de Joue-la comme Beckham de gurinder Chadha ou d'Esprit d'équipe de Robert I. Douglas qui posent la question de la virilité, de la masculinité, mais aussi des insultes des supporters, de leur homophobie, de leur racisme, de leur misogynie.

Les Britanniques sont champions pour parler des douloureux problèmes dérivés du football. Le sport national a aussi ses côtés très sombres. Les hooligans, les supporters, les matchs truqués, les espoirs de s'en sortir par le sport : My name is Joe (Ken Loach, 1998) Newcastle boys (Mark Herman, 2000), Carton rouge (Barry Skolnick, 2001), Hooligans (Lexi Alexander, 2005). En France, Jean-Pierre Mocky avait réussi à bien secouer son monde avec A mort l'arbitre (1984). Pour ma part, je préfère Shaolin soccer de Stephen Chow (2001), chef d’œuvre comique et burlesque indépassable. La réussite de Shaolin soccer tient à ne pas faire des entraînements et des matchs des séquences crédibles, tout en développant les problèmes exposés plus haut, mais au contraire à exagérer le trait, à pasticher le jeu en le travestissant en art martial. Pour Stephen Chow, c'est aussi l'occasion de faire du placement de produits (Puma partout), le football plus encore que le cinéma est aussi une industrie.

Le football est une religion pour ses supporters. Sport national en Italie (le curé de Nanni Moretti y joue dans La Messe est finie) mais aussi en Iran. En 1974, Abbas Kiarostami (c'était avant l'arrivée de Khomeiny) filmait dans Le Passager un jeune qui cherchait à assister à un match de foot. Les épreuves et les obstacles s'accumulaient et l'enfant, épuisé, s'endormait pendant le match. En 2006, Jafar Panahi montre avec Hors jeu le poids de la discrimination religieuse. Une poignée de femmes déguisées en hommes se pointent au stade, elles sont arrêtées et négocient avec la police le droit de regarder le match qui restera hors champ. Le ton est celui de la comédie mais ne cache pas le drame quotidien des femmes en Iran. Dans La Coupe (Khyentse Norbu, 1999), rare film du Bhoutan, des petits moines bouddhistes voulaient voir la finale du mondial 1998. Dans Timbuktu (Abderrahmane Sissako, 2014), l'une des plus belles scènes montraient des enfants jouer au foot sans ballon, ultime provocation libératrice face aux forces obscurantistes des extrémistes de tout bord. Allez, bon match, je vais regarder un film.

Images de foot au cinéma :
Dominique Rocheteau et Gérard Depardieu dans Le Garçu de Maurice Pialat
Pelé et Sylvester Stallone dans A nous la victoire de John Huston
Eric Cantona dans Looking for Eric de Ken Loach
Johan Cruyff porte son maillot N°14 dans Numéro deux de Jean-Luc Godard
Roy Cheung dans The Triad zone de Dante Lam
Zoé Héran dans Tomboy de Céline Sciamma
Parminder Nagra et les autres footballeuses dans Joue-la comme Beckham de Gurinder Chadha
Mytri Attal dans Comme un lion de Samuel Collardey
Le Passager d'Abbas Kiarostami
Hors jeu de Jafar Panahi
La Messe est finie de Nanni Moretti
Jacques Dutronc dans Sauve qui peut (la vie) de Jean-Luc Godard
Shaolin soccer de Stephen Chow

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