jeudi 30 juin 2016

La Tortue rouge (Michael Dudok de Wit, 2016)

Le slogan de La Tortue rouge aurait pu être « sur une île, personne ne vous entend crier » tant le scénario de Pascale Ferran et Michael Dudok de Wit, qui signe ici son premier long-métrage, flirte très souvent avec l'horrifique pur. D'abord, cette mer déchaînée avec ses vagues immenses et grises où un pauvre homme est enfermé. Il échouera sur cette île dont il va tenter à plusieurs reprises de s'échapper. Patiemment, il coupe des bambous pour faire un radeau de fortune. L'embarcation, une fois sur l'eau, est démembrée, on imagine par la tortue du titre, et l'homme reprend inlassablement son travail. Il construit un radeau plus grand, plus grand, plus solide.

La tâche est longue et fastidieuse, les uniques vêtements de l'homme commencent à effilocher, signe qu'il est là depuis bien longtemps. Assez vite, viennent à l'esprit quelques films sur les naufragés solitaires. Seul au monde de Robert Zemeckis, évidemment, avec son personnage qui perd désespoir et qui grimpe au sommet de l'île. Et qui tombe dans un puits au rebord glissant. Certes, cela arrive en début de film, on sait qu'il va s'en sortir. La solitude le fait rêver (en gris) qu'il peut partir facilement. Le tour de force du film est de réussir à ne pas faire dire un seul mot à ses personnages, mais souvent au prix d'une musique superfétatoire et assourdissante.

La Tortue rouge se transforme en douceur, sans qu'on s'en rende du thriller au film fantastique, comme cela arrive souvent dans les films Ghibli. La Tortue rouge est produit par Isao Takahata et le père de Pompoko n'est sans doute pas pour rien dans l'arrivée de cette immense tortue sur la plage de cette île déserte. La transformation rappelle celle de Bird people de Pascale Ferran. Jusqu'à présent, l'homme naufragé n'avait comme amis qu'une petite escouade de crabes qui semblent vouloir être apprivoisés par lui. Une dizaine de crabes au début, puis il n'y en aura de moins en moins, le cycle de la nature est là, quand une mouette en fauche un.

Et la tortue devient une femme. Et la femme aime l'homme. Et la femme donne naissance à un enfant. Là aussi le cycle d'une vie. Jamais il ne sera vraiment indiqué à quelle époque le récit peut se dérouler. Là encore, aucun mot ne sera prononcé entre eux. L'image est toujours aussi épurée, composée de quelques couleurs, vert de la forêt, bleu de la mer, jaune du sable. Mais le film, en abandonnant le thriller et le fantastique, en devenant une fable sur la vie, l'amour et la mort, devient répétitif, parfois édifiant voire conformiste, et encore cette musique de plus en plus présente, de plus en plus forte.

Aucun commentaire: