J'avais
laissé Vanessa Paradis en clone de Jeanne Moreau dans le piteux
Maryline de Guillaume Gallienne (j'avoue avoir passé mon tour
pour Chien de Samuel Benchetrit et Frost de Sharuna
Bartas) et je trouve que les années 1970 finissantes lui vont bien.
Les cheveux blonds, un peu raides, elle joue Anne, une réalisatrice
qui tourne des films pornographiques, genre fécond dans cette France
giscardienne et dont les titres qui ne cachent pas leur sujet. Sa
spécialité est le porno gay, une niche pauvre dans le genre.
Et
voici Archibald (Nicolas Maury) son fidèle assistant, le verbe haut,
un peu vulgaire, une folle furieuse qui coache les jeunes acteurs qui
s'apprêtent à tourner. « Toi, le slip jaune, c'est ta
scène », même pas besoin de savoir son prénom. Quand un
acteur a un peu du mal à bander, il appelle Bouche d'or (Pierre
Pirol) qui vient pratiquer une fellation pour redonner de l'ardeur
aux hardeurs. Et à côté d'Archibald se trouve Rabah (Jules
Ritmanic) à la fois son assistant et son mignon (il porte une très
belle et fine moustache).
La
petite troupe s'active autour des trois acteurs du jours (on
reconnaît Félix Maritaud, petit rôle dans 120 battements par
minute, rôle principal dans Sauvage de Camille
Vidal-Naquet qui sort fin août). Le cameraman est interprété par
Bertrand Mandico, barbe fournie, et ailleurs, dans la salle de
montage, Loïs (Kate Moran), la femme d'Anne, leur relation est
tendue dès le début du film et ne cessera d'empirer quand les
événements viennent perturber la bonne ambiance de ces tournages
fauchés mais joviaux.
On
tue dans Un couteau dans le cœur, pas forcément avec un
couteau et pas toujours dans le cœur. Les acteurs sont éliminés
les uns après les autres dans une vision qui mêle le gore (ça
saigne pas mal) et le trivial (mourir en baisant). Cette histoire de
meurtres en série de peut aussi évoquer l'histoire LGBT dans une
métaphore des ravages du Sida que l'on peut trouver à la fois
sincère et formelle. On peut toujours trouver du sens politique là
où il n'y a guère.
L'un
des acteurs est tué pendant qu'Anne et son équipe visionnent les
rushes du film, un autre dans une boîte de nuit, un troisième dans
une bagnole. L'inspecteur Morcini (Yann Colette) et son collègue
pataugent dans la semoule, il porte presque le même nom que
l'inspecteur Morisini de L'Oiseau au plumage de cristal (qui
ressort cette semaine). C'est un duo atypique du cinéma policier
français qui ne décolle guère de son bureau et continue de causer
pendant les morts s'accumulent
Le
cinéma est un art mais le porno gay est surtout une industrie. Anne
a l'idée de tourner de nouveaux films en rejouant les meurtres vécus
par l'équipe. Dans cette mise en abyme farfelue, Archibald, perruque
blonde sur la tête, joue Anne et remake les séquences qu'on vient
de voir dans un style encore plus pauvre que les films et il prodigue
un humour qui désarçonne le spectateur. Nicolas Maury est la star
d'Un couteau dans le cœur, il était déjà dingue dans Les
Rencontres d'après-minuit en soubrette manipulatrice.
Dans
le premier film de Yann Gonzalez, les acteurs vedettes débordaient
de tous les plans, là on se contente de Jacques Nolot et d'Elina
Löwinsohn mais aussi de Romane Bohringer en 2CV. Dans l'une des
séquences les plus singulières, Anne croise ces deux femmes dans
une forêt mystérieuse à la recherche de la résolution de
l'énigme, c'est la part poétique du cinéma de Yann Gonzalez, un
goût de l'étrangeté parfois un peu forcée, mais en ces temps de
disette, il n'y a pas mieux pour se secouer le cortex
cinématographique.
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