jeudi 21 juin 2018

La Comtesse de Hong Kong (Charles Chaplin, 1966)

Longtemps, La Comtesse de Hong Kong a été invisible. Pas de ressortie depuis 1967, peu de passage télé (je l'avais vu en décembre 1997 en VF), absent des éditions MK2 en 2003 quand tous les longs métrages sont sortis en DVD. La critique de l'époque a été désastreuse, jugeant l'histoire ringarde, venue d'une époque révolue. Les monographies sur le cinéaste, par exemple celle de Francis Bordat, collection 7e Art chez Cerf, éludent volontairement le film de leur analyse. Ce scénario a été imaginé en 1931 par Charles Chaplin pour Paulette Goddard et lui-même. Il se contente d'incarner quelques secondes un vieux steward.

Unique film en couleurs du cinéaste, La Comtesse de Hong Kong est aussi son premier film au format large en 1:85, tous ses films étaient en 1:33 (les muets) puis 1:37 (les sonores et les parlants). Paradoxalement, tout est filmé en studio (en l'occurrence à Pinewood en Angleterre), Chaplin ne prend pas la peine de sortir, coinçant ses deux personnages Ogden (Marlon Brando) et Natacha (Sophia Loren) dans une cabine de luxe d'un paquebot qui relie Hong Kong à San Francisco. Aucun d'eux n'ira faire escale pour visiter les villes étapes. Quand en fin de film, Natacha se rend sur une plage de Hawaii, c'est une transparence accentuant l'effet factice du scénario.

C'est l'éternelle attraction des opposés, le millionnaire Ogden Mears est proche de devenir Secrétaire d'Etat, il sera finalement nommé ambassadeur en Arabie Saoudite. Elle est call-girl dans un cabaret de Hong Kong. Harvey (Sydney Chaplin, l'un des fils de Chaplin pas son frère qui jouait dans Charlot soldat) décide de faire venir dans la cabine d'Ogden trois de ces « comtesses » surnom que l'on donne à ces prostituées. Natacha prétend être la descendante d'une princesse russe, arrivée à 13 ans en Chine et forcée de vendre ses charmes. Natacha ne quittera pas la suite du millionnaire, fort peu diplomate avec elle malgré son poste de diplomate. Elle est uniquement vêtue d'une robe blanche et n'a pas de passeport.

La suite est composée de deux pièces, un immense salon et une chambre. Les murs sont blancs et tout est éclairée par de puissantes lampes, les ombres des acteurs sont dans tous les sens, tout est terriblement mal éclairé par le chef opérateur créant une tenace impression de théâtralité. L'humour se contente dans 80% du film à du vaudeville basique : des portes qui s'ouvrent et qui se ferment, et qui claquent. L'enjeu est que Natacha ne soit pas découverte par les nombreuses personnes qui entrent dans la suite, stewards, capitaine, journalistes ou secrétaire d'Ogden. Seul Harvey sera au courant de la présence de Natacha et comprendra que son patron est en train de tomber amoureux de la passagère clandestine.


Parmi tous les gags, Chaplin reprise celui du mal de mer (comme dans Une journée de plaisir) où le bateau tangue et provoque des vomissements. Cette trivialité burlesque est prolongée avec l'envie d'uriner d'Ogden qui met la musique très fort dans sa chambre pour que Natacha ne l'entende pas pisser. Le seul gag drôle est quand Ogden tapote de sa main la table basse devant l'inconséquence de Natacha. Parmi les figurantes, on trouve Geraldine Chaplin (elle danse avec Marlon Brando) et deux autres de ses filles, Josephine et Victoria. La pauvre Tippi Hedren joue l'épouse d'Ogden, femme glaçante et cynique mais qui découvre la supercherie de Natacha. Happy end, Ogden renonce à sa brillante carrière et part retrouver sa belle Natacha, mais tout est si définitivement superficiel qu'on préférait quand ils se disputaient.
















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