lundi 11 juin 2018

21 Jump Street (Phil Lord & Christopher Miller, 2012)

C'était le duo comique le plus improbable de l'année 2012. Channing Tatum, le bellâtre au cou de bœuf sortait de quelques comédies romantiques un peu insipides, il avait fait des minuscules rôles dans quelques films d'auteur (Public enemies de Michael Mann) et un rôle principal dans un chouette peplum post-moderne, L'Aigle de la neuvième légion avant de plonger dans le strip-tease intello de Steven Soberbergh pour Magic Mike.

Jonah Hill, le petit gros à la voix égrillarde est tout l'inverse. Comparse habituel des films de puceaux mal dans leur peau dans les productions de Judd Apatow (Supergrave, 40 ans toujours puceau, En cloque mode d'emploi, Funny people). Il vient d'une école du comique régressive inspirée par l’œuvre conséquente de Seth Rogen où les discussions sur le cul et les joints sont les occupations principales des personnages.

Jenko et Schmidt commencent leur parcours en 2005 dans un lycée d'une ville imaginaire des Etats-Unis. C'est l'idée du teen-movie qui les habite, Jenko le stud, le chef de l'équipe de foot humilie régulièrement le geek, le mec mal dans sa peau devant tout le monde. Le résultat est le même pour les deux gars qui ne peuvent pas se saquer, ils sont privés de bal de promo, institution du film pour adolescent(e)s boutonneux.

Puisque le duo Chris Miller et Phil Lord désamorce dès les premières minutes de 21 Jump Street la routine du teen-movie, le récit doit partir dans une autre école pour une autre direction, la Police Academy où les deux hommes se retrouvent et commencent à s'entraider. Diplôme de flics en main, ils patrouillent en VTT en quête d'une mission qui n'arrivera jamais. Ils vivent dans une ville calme où le seul délit est commis par un gamin qui donne du pain aux canards.

« On fait revivre un programme flics infiltrés des années 80 et on l'adapte au goût du jour. Les mecs chargés du truc manquent de créativité et n'ont absolument aucune idée neuve, donc on recycle des merdes du passé en espérant que personne ne le remarquera » dit dans l'une des plus célèbres répliques du film le patron de la police Hardy (Nick Offerman) avec le ton pince-sans-rire dont l'acteur moustachu a le secret.

La série 21 Jump Street était une nullité sans nom des terrifiantes et hideuses années 80, surtout à la télé où les séries policières adoptaient toutes l'idéologie reaganienne en cours (en substance, « mieux vaut abattre ce criminel que faire un procès coûteux », dans combien d'épisodes de certaines séries entendait-on cette litanie conservatrice). Après Starsky et Hutch, Drôles de dames et L'Agence tous risques, voici 21 Jump Street.

Faire une grosse comédies avec des vedettes était donc à la mode (on a aussi les exemples de séries dramatiques devenus des films dramatiques tel Hulk) mais jusqu'à présent les films respectaient les essentiels de la série. 21 Jump Street cherche par cette phrase méta à en sortir, le public n'est plus prépubère mais adulte, avec notamment la bordée d'injures que sort à chaque apparition le capitaine Dickson (Ice Cube) – on admire la dignité du nom de son personnage.

Les deux gars se retrouvent donc à nouveau au lycée où ils sont censés être frères. Jenko, le beau gosse stupide, pense que le lycée est comme à son époque, qu'il va pouvoir harceler les plus faibles, mais désormais en 2012 ce qui paraissait ringard est devenu tendance. Etre un lycéen gay est devenu normal, pratiquer l'écologie est honorable, respecter chacun est pratique courante. Ce sont toutes les valeurs de Jenko qui sont remises en cause.

Le film agit avec une inversion des codes du teen-movie, Schmidt est désormais l'élève avec lequel tout le monde veut être. Il peut enfin draguer les filles sans être l'objet de moquerie, ainsi il séduit Molly (Brie Larson) la petite amie d'Eric (Dave Franco). Inversement, Jenko est contraint de rejoindre l'équipe des binoclards et de s'intéresser à la science, ce qui lui semble totalement ringard. Il se lie pourtant aux lycéens matheux.

Dans ce gentil jeu de massacre, c'est Channing Tatum qui s'en tire le mieux. Sa gaminerie, sa naïveté, sa candeur affronte son âge réel. Quel que soit son interlocuteur, on lui demande s'il n'a pas 30 ans. Avec son petit air couillon, en levant légèrement les yeux, il affirme avoir 18 ans. Et il rit sous cape. C'est sans effort qu'il parvient à entrer dans le monde comique hollywoodien ce qui n'était pas gagné, volant la vedette à chaque scène à Jonah Hill.


Je n'ai même pas évoqué le scénario prétexte à cette débauche de gags. Dickson charge les deux flics de trouver des trafiquants de drogue. Ce récit MacGuffin où le méchant marionnettiste est l'hilarant Rob Riggle ne cherche pas, et c'est tant mieux, à faire croire à l'enquête où, régulièrement, les deux flics tombent sur une bande de bikers parmi eux un blond taciturne joué par Johnny Depp grimé, ultime retour à sa série qu'il haïssait.























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