C'était
le duo comique le plus improbable de l'année 2012. Channing Tatum,
le bellâtre au cou de bœuf sortait de quelques comédies
romantiques un peu insipides, il avait fait des minuscules rôles
dans quelques films d'auteur (Public enemies de Michael Mann)
et un rôle principal dans un chouette peplum post-moderne, L'Aigle
de la neuvième légion avant de plonger dans le strip-tease
intello de Steven Soberbergh pour Magic Mike.
Jonah
Hill, le petit gros à la voix égrillarde est tout l'inverse.
Comparse habituel des films de puceaux mal dans leur peau dans les
productions de Judd Apatow (Supergrave, 40 ans toujours
puceau, En cloque mode d'emploi, Funny people). Il
vient d'une école du comique régressive inspirée par l’œuvre
conséquente de Seth Rogen où les discussions sur le cul et les
joints sont les occupations principales des personnages.
Jenko
et Schmidt commencent leur parcours en 2005 dans un lycée d'une
ville imaginaire des Etats-Unis. C'est l'idée du teen-movie qui les
habite, Jenko le stud, le chef de l'équipe de foot humilie
régulièrement le geek, le mec mal dans sa peau devant tout le
monde. Le résultat est le même pour les deux gars qui ne peuvent
pas se saquer, ils sont privés de bal de promo, institution du film
pour adolescent(e)s boutonneux.
Puisque
le duo Chris Miller et Phil Lord désamorce dès les premières
minutes de 21 Jump Street la routine du teen-movie, le récit
doit partir dans une autre école pour une autre direction, la Police
Academy où les deux hommes se retrouvent et commencent à
s'entraider. Diplôme de flics en main, ils patrouillent en VTT en
quête d'une mission qui n'arrivera jamais. Ils vivent dans une ville
calme où le seul délit est commis par un gamin qui donne du pain
aux canards.
« On
fait revivre un programme flics infiltrés des années 80 et on
l'adapte au goût du jour. Les mecs chargés du truc manquent de
créativité et n'ont absolument aucune idée neuve, donc on recycle
des merdes du passé en espérant que personne ne le remarquera »
dit dans l'une des plus célèbres répliques du film le patron de la
police Hardy (Nick Offerman) avec le ton pince-sans-rire dont
l'acteur moustachu a le secret.
La
série 21 Jump Street était une nullité sans nom des terrifiantes
et hideuses années 80, surtout à la télé où les séries
policières adoptaient toutes l'idéologie reaganienne en cours (en
substance, « mieux vaut abattre ce criminel que faire un procès
coûteux », dans combien d'épisodes de certaines séries
entendait-on cette litanie conservatrice). Après Starsky et
Hutch, Drôles de dames et L'Agence tous risques,
voici 21 Jump Street.
Faire
une grosse comédies avec des vedettes était donc à la mode (on a
aussi les exemples de séries dramatiques devenus des films
dramatiques tel Hulk) mais jusqu'à présent les films
respectaient les essentiels de la série. 21 Jump Street
cherche par cette phrase méta à en sortir, le public n'est plus
prépubère mais adulte, avec notamment la bordée d'injures que sort
à chaque apparition le capitaine Dickson (Ice Cube) – on admire la
dignité du nom de son personnage.
Les
deux gars se retrouvent donc à nouveau au lycée où ils sont censés
être frères. Jenko, le beau gosse stupide, pense que le lycée est
comme à son époque, qu'il va pouvoir harceler les plus faibles,
mais désormais en 2012 ce qui paraissait ringard est devenu
tendance. Etre un lycéen gay est devenu normal, pratiquer l'écologie
est honorable, respecter chacun est pratique courante. Ce sont toutes
les valeurs de Jenko qui sont remises en cause.
Le
film agit avec une inversion des codes du teen-movie, Schmidt est
désormais l'élève avec lequel tout le monde veut être. Il peut
enfin draguer les filles sans être l'objet de moquerie, ainsi il
séduit Molly (Brie Larson) la petite amie d'Eric (Dave Franco).
Inversement, Jenko est contraint de rejoindre l'équipe des
binoclards et de s'intéresser à la science, ce qui lui semble
totalement ringard. Il se lie pourtant aux lycéens matheux.
Dans
ce gentil jeu de massacre, c'est Channing Tatum qui s'en tire le
mieux. Sa gaminerie, sa naïveté, sa candeur affronte son âge réel.
Quel que soit son interlocuteur, on lui demande s'il n'a pas 30 ans.
Avec son petit air couillon, en levant légèrement les yeux, il
affirme avoir 18 ans. Et il rit sous cape. C'est sans effort qu'il
parvient à entrer dans le monde comique hollywoodien ce qui n'était
pas gagné, volant la vedette à chaque scène à Jonah Hill.
Je
n'ai même pas évoqué le scénario prétexte à cette débauche de
gags. Dickson charge les deux flics de trouver des trafiquants de
drogue. Ce récit MacGuffin où le méchant marionnettiste est
l'hilarant Rob Riggle ne cherche pas, et c'est tant mieux, à faire
croire à l'enquête où, régulièrement, les deux flics tombent sur
une bande de bikers parmi eux un blond taciturne joué par Johnny
Depp grimé, ultime retour à sa série qu'il haïssait.
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