jeudi 25 février 2016

Disjoncté (Ben Stiller, 1996)

« Tu refiles 50$ au gars du câble et il t'installe toutes les chaînes gratos », voilà le judicieux conseil que donne Rick (Jack Black) à son meilleur ami Steven (Matthew Broderick). Ce dernier vient d’emménager dans son nouvel appartement après que sa petite amie Robin (Leslie Mann) ait décidé, d'un « commun accord », de faire une pause dans leur couple. Steven essaie de faire fonctionner sa télé (cathodique en 1996) mais il reçoit mal les chaînes et la neige envahit les émissions.

Et voilà qu'arrive avec quatre heures de retard l'installateur du câble alors que Steven est sous la douche. Quand le gentil Steven reproche au gars qui réagit avec une certaine verve, pour ne pas dire une relative violence aux remontrances, avant de se reprendre avec une large sourire et d'affirmer qu'il ne faisait que plaisanter. Ce gars du câble c'est Jim Carrey dont l'élasticité faciale lui permet de passer dans un même plan de l'inquiétude à la bienveillance.

On ne connaîtra jamais son vrai nom. Chip Douglas, Alfred Tate, Ricky Ricardo ? Tous sont des personnages de sitcom, de série télé devant lesquelles il a passé depuis son enfance. La télé devant laquelle sa maman le laissait rivé, comme on le découvre dans un flash-back, est la baby-sitter de Chip. Et Chip a tout appris de la télé, y compris les relations sociales qu'il va mettre en œuvre avec Steven, d'où ces sauts d'humeur typiques de la télé qui ne reposent que sur des clichés.

La télé, c'est aussi ce déluge constant d'information qui déferle dans les foyers, et parmi les news importantes, ce procès ultra médiatisé où deux jumeaux, les frères Sweet (Ben Stiller, dans son unique apparition récurrente mais muette) sont au centre de l'attention du moment, du sensationnel, de la télé poubelle. La télé représente une autre réalité dans laquelle se love Chip, comme tous les personnages centraux des films de Ben Stiller, cela mène à la folie, folie douce ou d'une extrême violence.

Chip veut être ami avec Steven, et ce ne sera pas gratis pour Steven. Un peu réticent, ce dernier va être forcé de l'être par ce « stalker » qu'est Chip. Accepter une simple invitation, c'est devenir le meilleur ami de Chip. Cela veut dire aller visiter l'immense parabole qui lui permet de voir ses émissions chéries. Pour l'instant, leur amitié est simple, plutôt banale. Mais le lendemain, tandis que Steven cherche à se réconcilier avec Robin, il découvre que Chip a laissé une bonne dizaine de messages sur le répondeur.

Pour s'incruster coûte que coûte dans sa vie, Chip fait du chantage affectif, les sorties continuent, toutes extravagantes. Une soirée dans une auberge médiévale, l'une des séquences les plus réussies de Disjoncté où Jim Carrey, successivement, imite Hannibal Lecter avec du bacon, chante avec un voix furieuse le générique de Star Trek et bataille à coup d'armes moyenâgeuses avec un pseudo langage ancestrale. C'est déjà la tyrannie du zapping qui en œuvre dans le cerveau malade de Chip.

Pour l'instant les amusements que propose Chip sont cordiales, un karaoké où il chante Jefferson Airplane avec un entrain dément, un match de basket endiablé. Puis, il tisse sa toile autour de Steven, ce jeu de Pyramide avec les membres de la famille de Steven qui ne comprennent pas le rejet de ce dernier à l'encontre de Chip. Seul son ami Rick, un peu jaloux d'être rejeté, a compris le piège qu'a tendu Chip à Steven, il va l'aider à retourner la situation.

Cette inquiétude que produisent les actions de Chip vont mener le pauvre Steven dans des détours incertains : cauchemars, prison, solitude. Cette inquiétude deviendra le genre dans lequel va se spécialiser Ben Stiller dans ses films. Le burlesque pur est soumis à une distorsion pour en accentuer le malaise. Le personnage principal subit une érosion de la réalité jusqu'à un point de non retour. Ce comique, souvent malsain et volontairement vulgaire, produit une gêne qui provoque chez le spectateur une jouissance incroyable.














1 commentaire:

Jacques Boudinot a dit…

Très bon souvenir, un film avec une énergie surprenante.
Je crois qu'une autre fin était prévue au départ, mais
le studio a eu le dernier mot (des infos là-dessus, Jean ?)
À voir absolument quand on apprécie Ben Stiller :
sa participation au Larry Sanders Show, série US de et avec
Gary Shandling des années 90, absolument hilarante et
très cruelle. Stiller a fait un épisode, celui où il détrone
Larry Sanders du top 10 des personnalités les plus sexy.
Irrésistible.