vendredi 5 février 2016

Mad love in New York (Josh & Benny Safdie, 2015)

La magie du cinéma, c'est de pouvoir passer dans la journée d'un bon blockbuster comme Chocolat à un film indie new-yorkais comme Mad love in New York. En fait, en ce moment, c'est pas vraiment facile de choisir entre les 20 films qui débarquent chaque mercredi dans les salles. Moi, je regarde des films, mais est-ce que le film me regarde moi ? En ce moment, j'ai plutôt tendance à a rabattre sur des films faits par des gens dont j'ai déjà vu quelques films. Avec les frères Safdie, c'est Lenny and the kids (je préfère le titre VO Got get some rosemary) et The Pleasure of being robbed, j'ai une vague idée de ce que je vais voir, de leur petit univers. Et puis, j'aime regarder New York.

L'une des questions qui m'obsèdent depuis un bon bout de temps, c'est celle du réalisme et de ses multiples réponses. Est-ce que c'est ça la vraie vie ? C'est réaliste, crédible, vraisemblable ? En quoi on peut connaître l'authenticité d'une scène ? Dans Mad love in New York, dans le premier quart d'heure, on est mis à rude épreuve et Harley finit à l'hôpital. On nage en pleine authenticité, quand tout à coup, une violente dispute s'enclenche. Harley est agressée par une femme, puis une autre, et elle se prend encore des coups. Mais les frères Safdie choisissent de couper le son des dialogues et de les remplacer par de la musique électro.

Pour beaucoup de cinéastes et d'acteurs, une scène de dispute est l'occasion en or de montrer son talent, son sens du dialogue, son impressionnant jeu d'acteur et direction, les Oscar. En supprimant les dialogues entre Harley et ses agresseurs, Josh et Benny Safdie stimulent l'imaginaire du spectateur, cherche à aiguiser sa curiosité. Mais elles lui veulent quoi à cette pauvre droguée ? Pourquoi elles l'emmerdent ? Jusqu'à présent, on avait un peu l'impression que c'était une victime, mais, à y réfléchir, elle semble plutôt être une fouteuse de merde dont les autres ne veulent plus, d'où la dispute et la baston.

Harley, c'est Arielle Holmes, et inversement. Elle a écrit un livre sur sa vie de SDF droguée dans les quartiers chics de Manhattan où les bons libéraux donnent quelques dollars pour qu'ils survivent. Les Safdie ont adapté son livre et elle incarne son propre rôle, avec une simple inversion sonore pour le prénom. Mad love in New York fait partie de ces films qui plongent directement dans le bain, sans même apprendre à nager. Une étreinte en très gros plan entre Harley et Ilya son chéri (Caleb Landri Jones), un chantage amoureux au suicide filmé en plan très large, la taillage des veines d'Harley et cette scène à l'hôpital.

On ne sait rien du passé des deux personnages, on ne sait pas de quel milieu ils peuvent venir, et on s'en fout un peu. On sait que ces jeunes n'ont pas vraiment d'avenir parce qu'ils vivent au jour le jour. Ilya et Harley ont l'amour fou. Les rupture sont violentes, avec son lot de hurlement, de phrases interrompus et d'arguments fallacieux. Les regards haineux de Harley, le dédain dominateur de Ilya. Les retrouvailles sont tout autant sportives, avec des poursuites dans les rues, des rencontres dans Central Park dans cet fin d'hiver où la neige peine encore à fondre.

Ilya et Harley n'ont qu'une seule obsession : leur shoot d'héroïne quotidien. Harley, les yeux semi-clos fait vaguement la manche pour acheter à Mike (Buddy Duress) sa dose. Tout ceux que Harley rencontre ne lui parle que de Ilya, on a l’impression que c'est presque un jeu pour ces gars de faire perdre la raison à Harley. Au milieu de cette énergie destructrice et cauchemardesque, Josh et Benny Safdie ne s'autorisent qu'une fois à illustrer les effets de la drogue sur le couple. Ilya lance le portable qui leur permettait d'appeler leur dealer. La lumière de l'écran du smartphone se transforme dans le ciel étoilé en feu d'artifice.

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