lundi 29 février 2016

J'ai aussi regardé ces films en février (et la cérémonie des César)

Les Premiers les derniers (Bouli Lanners, 2015)
Les vingt premières minutes du quatrième film de Bouli Lanners sont formidables. Le cadre est encore une fois superbe avec cet art de filmer les nuages en cinémascope, le Loiret et non la Belgique cette fois. Le récit est mystérieux avec ces deux duos. Un homme et une femme portant une veste de chantier orange qui marchent sur un immense pont de béton qu'on croirait venu d'un film de science fiction. Deux hommes (Bouli Lanners et Albert Dupontel) qui les recherchent avec un émetteur. Et entre les deux, un gars énigmatique qui se fait appeler Jésus, disparaissant et apparaissant par magie. Et au fur et à mesure que la clarté se fait dans le récit à grands coups de dialogues explicatifs, le mystère se dissout et l'intérêt aussi.

Les Tuche (Olivier Bartoux, 2010)
Les Tuche 2 le rêve américain (Olivier Baroux, 2016)
C'est un fait entendu, les deux films sont des merdes sans nom, des hontes pour le cinéma français, des films même pas drôles. Minute Papillon ! Les films ne font que reprendre un vieux modèle du film comique français, confronter deux milieux totalement opposés et voir ce que ça donne. En l'occurrence, des quiproquos. Derrière le comique d'Olivier Baroux, le Jean Girault de notre époque, où Jean-Paul Rouve, Isabelle Nanty et Claire Nadeau sont souvent très drôles à force de confusion langagière, les deux films s'attachent, sans y toucher, à évoquer deux sujets forts. Les Tuche est un plaidoyer anti raciste (la fille sort avec un footballeur black, la mère devient le meilleure amie de sa voisine libanaise), Les Tuche 2 le rêve américain se termine par le mariage entre le fils et le jardinier mexicain. Conclusion : les beaufs ne sont pas tous des électeurs du Front National. Point répulsif : une laideur constante de l'image.

Joséphine s'arrondit (Marilou Berry, 2016)
Marilou Berry qui tient le rôle titre et qui commet ici son premier long-métrage a tellement peur que les autres personnages, donc les autres acteurs, lui volent la vedette qu'elle réduit à la portion congrue leur présence dans le cadre et les enferme dans des caricatures extrêmement pénibles. Faute de partenaires, les gags échouent les uns après les autres à faire rire. Le montage survolté et incohérent, censé évoquer la veine bande-dessinée, fait penser aux derniers films de Jean-Marie Poiré, les éprouvants Anges gardiens et Ma femme s'appelle Maurice. Point révulsif : Jean-Pierre Pernault fait une apparition.

Pattaya (Franck Gastambide, 2016)
A un mois de distance, on peut voir Franck Gastambide dans deux rôles différents. Dans Made in France, il est ce flic cynique qui tient par le chantage à l'attentat ce pauvre Malik Zidi, un personnage sans vraisemblance issu du cinéma des années 1980 (période Robin Davis). Dans Pattaya, sa deuxième réalisation, il joue le crétin comme dans Les Kaïra. Le trio d'abrutis des banlieues change (Anouar Toubali, le facteur des Kaïra devient le nouveau nain, Malik Bentalha remplace Medi Sadoun, star depuis le succès de Qu'est-ce qu'on a fait au bon dieu) mais reste aussi sympathique. Le comique mis en œuvre dans Pattaya ne vole pas haut (bite, caca, prout) mais fonctionne grâce à un rythme et un sens du gag rares dans le genre. L'humour consiste à transposer un quartier de banlieue au fin fond de la Thaïlande, dans le registre du glissement sémantique et des chausses trappes du langage, Ramzy Bedia et Franck Gastambide, grimé comme Eric Judor, sont en symbiose. Le personnage de Franck Gastambide porte à chaque plan un t-shirt différent avec Vin Diesel imprimé, bel hommage. La présence énergique de Sabrina Ouazani en début de film est superbe. Le scénario est assez peu passionnant et Gad Elmaleh semble jouer dans un autre film. Point révulsif : caméo de Cyril Hanouna.

Zootopie (Byron Howard & Rich Moore, 2016)
Zootopie est assez drôle, avec deux séquences rondement menées. Une visite chez des naturistes comme dans Quand l'Inspecteur s'emmêle de Blake Edwards et le passage, tellement réaliste, par la tracasserie administrative (je l'ai vécue aux USA) avec ces paresseux aux guichets. Zootopie est un film policier aux multiples rebondissements, un buddy movie où le renard et la lapine, le petit malin et la naïve, l'urbain et la campagnarde vont affronter les gros animaux. Les pelages et les couleurs sont agréables aux yeux. L'architecture de la ville de Zootopie est astucieusement créée : chaque famille d'animal a sa zone climatique, sa taille de logement et son mode de vie. Cela permet une grande variété d'échelle et de visuel, donc de créativité. Les dialogues pétillent même si on reste dans l'habituel récit édifiant qui me rappelle cette chanson de mon enfance : « tous les animaux du monde, tous les animaux sont nos amis, du lion à la colombe, du renard au ouistiti. » Point répulsif : la chanson de Shakira.

La cérémonie des César a donc récompensé Fatima, joli film de Philippe Faucon, qui l'aurait tout autant mérité pour La Désintégration ou Dans la vie. Bon choix mais j'aurais préféré voir triompher Trois souvenirs de ma jeunesse que je considère comme le meilleur film de l'année 2015, et je ne parle pas seulement du cinéma français. Comme l'an dernier, les César sont donné à presque tous les films, un émiettement digne de l'école des fans. Tout le monde a gagné. Sauf Mon roi l'atroce navet de Maïwenn, mais il faut conserver les quotas de film beauf tant que Kev' Adams n'est pas nominé (ça arrivera, comme c'est arrivé à Daniel Auteuil sept ans après Les Sous-doués de Claude Zidi). Après la catastrophique soirée menée par Edouard Baer l'an dernier, Florence Foresti a souvent été très amusante, moins dans son obsession pour Vincent Cassel que pour ces sketches avec Vaness' ou ses amis humoristes. Enfin, célébrer le navrant Birdman au lieu de Taxi Téhéran ou Demain de Cyril Dion au lieu de L'Image manquante prouve que les César portent bien leur nom, l'Académie des arts et techniques du cinéma. Il ne faudra pas que les électeurs oublient chaque année le mot art. Il reste ce César d'honneur attribué à Michael Douglas applaudi mollement par les personnes présentes dans le théâtre du Chatelet. Je me demande comment ce prix est choisi, qui décide et quel en est l'intérêt. Depuis quelques années, seuls des acteurs américains reçoivent un César d'honneur. On se rappelle que Will Smith venait faire la promo d'un film totalement oublié depuis. Oui, Will Smith a un César d'honneur en 2005.

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