lundi 1 février 2016

Le Fils adoptif (Aktan Abdykalikov, 1998)

Après la chute de l'URSS, il est apparu dans les anciennes républiques d'Asie centrale (Tadjikistan, Kirghizie, Kazakhstan, Ouzbékistan et Turkménistan), une Nouvelle Vague de jeunes cinéastes, parmi eux Darejan Omirbaev et Aktan Abdykalikov. Cette génération coïncide avec celle des nouveaux cinéastes iraniens (Abbas Kiarostami, Mohsen Makhmalbaf), mais on a encore régulièrement des films iraniens qui sortent en France, ceux d'Asie centrale sont extrêmement rares. J'ai pu voir en copie 35mm Le Fils adoptif, superbe film en couleur et noir et blanc. Comme il n'existe pas de DVD de ce film, je ne pourrais pas faire mes habituelles captures d'écran. Dommage.

Couleur et noir et blanc, donc. Le film commence sur un lent travelling sur un tapis très coloré pour arriver à un groupe de vieilles femmes qui parlent d'un enfant qui sera adopté par un couple qui ne peut pas en avoir. Ce garçon s'appelle Azate mais il sera vite surnommé par tous ses camarades quand il grandit (et le film de vient alors en noir et blanc) Beshkempir, l'adopté. La couleur reviendra de temps en temps, de manière fugace, comme un éclat de vie soudaine au milieu du gris. Mais revenons aux aventure d'Azate, ce bon garçon rondouillard à la coiffure en crête aplatie, c'est lui qui sur l'affiche.

Jusqu'alors, il ignorait qu'il est un enfant adopté. Il passe ses journées à jouer avec ses quatre ou cinq amis dans la nature. Ils font quelques bêtises sans importance, comme se tremper dans le trou rempli de boue qui sert au fabricant de briques artisanales. Ils vont taper dans un essaim d'abeilles avant de s'enfuir. Ils découvrent les rondeurs d'une femme nue à travers les embrasures d'une vieille porte. Ils se chamaillent comme des enfants de dix ans, et un jour, l'un d'eux, dans un brusque moment d'énervement, révèle la vérité à Azate, qui court se réfugier auprès de sa grand-mère qu'il aime plus que quiconque.

C'est d'abord la rudesse de cette micro société que le cinéaste kirghize montre. Une mère qui a du mal à parler avec son fils et qui vit depuis dix ans cette honte d'être stérile. Ses amies, lors d'un travail sur le tapis, lui en font reproche. C'est un père à peine plus loquace qui traite son fils de paresseux. On remarquera que ce père porte une moustache et un chapeau qui rappelle, sans équivoque, les accoutrements de Chisu Ryu dans les films de Yasujiro Ozu. Les jeux des enfants rappellent ceux de Bonjour, mais cette fois Azate ne veut pas une télévision, mais aller voir un film indien sur la place du village.

Ce film indien, un Bollywood des années 1970, intéresse au plus au point Azate parce qu'il pourra côtoyer la belle Aïnoura, une de ses amies, le seule qui soit gentille avec lui. Azate a remarqué que le projectionniste va souvent chercher, en vélo, une jeune femme chez elle, un peu en secret des parents de cette dernière. Il faudra au gamin toute la malice du monde pour qu'il puisse, lui aussi, trimbaler Aïnoura sur un vélo. Le projectionniste, deviendra le complice bien consentant du joli manège d'Azate en prêtant son vélo. C'est que le gamin qu'il était en début de film commence à devenir un adolescent avec des sentiments.

Ce qui est très beau dans Le Fils adoptif et qui révèle une volonté du cinéaste de placer son récit sous les auspices du conte (un peu comme La Nuit du chasseur), c'est l'abondance des animaux. Toute une ménagerie se déploie. Une petite grenouille, un cheval, des poissons, un chien, un chaton, des poules, des abeilles et surtout une superbe huppe qui pénétrera par mégarde dans la chambre d'Azate. C'est son chant que l'on entendra pendant tout le film (superbe travail sur le son d'ailleurs qui exhausse le hors-champ), et qui, au fil des saisons, annoncera sa liberté à venir. Mais, une liberté qu'il paiera au prix fort.

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