dimanche 7 février 2016

Larry Flynt (Milos Forman, 1996)

Déjà gamins, les frères Flynt étaient doués pour trouver de l'argent en vendant de l'alcool de patates de contrebande à des vieux ermites. Vingt ans plus tard, en 1972, Larry (Woody Harrelson) et Jimmy (Brett Harrelson) sont toujours associés, mais c'est Larry qui mène la barque. Il dirige, micro en main pour annoncer le numéro suivant et présenter les filles, une boite de strip-tease à Cincinnati dans l'Ohio. Quelques soldats applaudissent maigrement, quelques gros barbus à lunettes observent les déhanchés maladroits des filles qui s’effeuillent lentement.

On a bien compris que Larry Flynt couche avec ses strip-teaseuses, à la fin du service il leur donne son emploi du temps (je te retrouve dans une heure et toi dans deux heures, leur dit-il), mais quand débarque Althea (Courtney Love) qui fait son show de cow-gril, il ne peut détourner son regard. C'est un coup de foudre réciproque. Il reporte son agenda pour coucher avec Althea. Après avoir été bootlegger, directeur d'un go go club, il se lance dans une nouvelle aventure, celle d'un magazine de charme, Hustler, toujours avec son jeune frère Jimmy et Althea.

Althea est désormais non seulement sa compagne, sa muse mais aussi sa nouvelle collaboratrice. Une histoire d'amour qui traverse Larry Flynt pendant les seize ans de leur mariage (demande en mariage dans un jacuzzi après une partouze à quatre). Les réunions de la rédaction sont épiques, Althea, qui ne sait pas s’asseoir sur une chaise, s’avachit sur l'immense bureau de réunion de Hustler. Quand elle est à coté son mari, elle se recroqueville comme une petite fille, elle qui a eu une enfance difficile et un père qui a assassiné sa famille.

Les réunions éditoriales de Hustler sont épiques. Au comité de rédaction, Larry Flynt et Althea sont aidés par une bande de gueules cassées et d'amis fidèles. Chester (Vincent Schiavelli), nez d'oiseau et yeux cernés, Arlo (Crispin Glover), l’œil gauche aveugle, et Miles (Miles Chapin), au visage poupin. Chacun propose des idées pour faire de Hustler le premier magazine porno des USA. Il faut s'attaquer à la morale chrétienne qui veut les interdire et Althea propose chaque mois de faire de Jerry Falwell (Richard Paul), un évangéliste Baptiste, leur tête de turc.

Milos Forman rentre de plein pied dans le vrai sujet de Larry Flynt, celui de la censure, de la liberté d'expression vue comme une guerre à long terme (quinze ans le film) que va mener Larry Flynt. La première bataille contre Hutsler est mené par Charles Keating (James Cromwell), un lobbyiste des bonnes mœurs qui attaque le journal pour l'interdire. Il distribue à ses partisans des exemplaires du magazine, et Milos Forman filme leurs visages révulsés avec ironie. Ils veulent tous interdire Hustler mais ne peuvent s'empêcher de se jeter dessus pour mater.

Le premier procès est présidé par un juge qui est, avec une ironie encore plus mordante, joué par le vrai Larry Flynt. Le pornographe prend un plaisir non feint à incarner son premier ennemi et à donner la réplique à Woody Harrelson. Il est défendu par un jeune avocat, Alan Isaacman (Edward Norton), blanc-bec qui contraste avec l'extravagance de Larry Flynt, qui fait de chaque audience un show, lançant des provocations à chaque juge. Mettre un drapeau américain en guise de couche culotte, lancer une orange, répondre à côté de la plaque. Tout ça devant le regard navré d'Alan et l'hilarité d'Althea.

La religion est le grand ennemi d'Althea et Larry Flynt. Moins la religion que l'hypocrisie de leurs représentants qui, selon Flynt, préfèrent la guerre à l'amour, les armes à un vagin. Dans cette bataille contre Falwell, avec une fausse pub où l'évangéliste est censé avoir perdu sa virginité avec sa mère, Flynt reçoit l'appui surprenant de Ruth Carter (Donna Hanover), la sœur de Jimmy Carter. Pendant un temps, le magazine va changer de direction, contre l'avis d'Althea et devenir, tandis qu'il se fait baptiser, un journal compatible avec Dieu mais qui n'intéresse plus personne.

Le nombre d'ennemis augmente tandis que les affaires de Flynt deviennent plus florissantes. A la sortie d'une audience en Géorgie, parce que Flynt ait défié l'interdiction de vendre son magazine, un sniper tire sur Flynt. Il le blessera, ainsi qu'Alan. Si ce dernier s'en sort bien, Flynt est paralysé et obligé de vivre dans un fauteuil roulant. Il se barricade dans sa villa d'Hollywood, la capitale des pervers comme il dit, avec Althea. La descente aux enfers commence, la drogue pour supporter la douleur, dans une ellipse temporelle de quatre ans.

Dans cette éloge de la liberté, terrible et vivifiant, dans cette histoire d'amour fou, dans cette comédie qui sublime le mauvais goût face à l'ordre établi, un détail infime fait de Larry Flynt un important et intemporel film politique. Ce sont les t-shirts que porte Flynt à chaque audience de procès et qui retrace tout un pan de l'histoire américaine des années 1970 et 1980. Les slogans sur les t-shirts : I wish I was Black, Jesus is an anarchist, Fuck this court. Pas l'histoire officielle, celle des laissés pour compte et des minorités, celle de ses idées.















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