Le
léopard s'appelle Bébé et le chien a pour nom George. Quelle
étrange idée de donner des petits noms humains à ces animaux qui
viennent perturber, en profondeur, la vie du tranquille Dr. David
Huxley (Cary Grant), paléontologue au Muséum d'Histoire Naturelle
Stuyvesant de New York. Songeur, du haut de son brontosaure qu'il a
mis des années à reconstruire (le dinosaure n'a pas de prénom), il
se demande où il doit placer l'os qu'il tient entre les mains.
Sûrement pas dans la queue du squelette lui répond sa fiancée et
assistante.
Trouver
sa place est le sujet majeur de L'Impossible M. Bébé. Au
lieu de poursuivre son travail dans son muséum, David doit aller sur
un terrain de golf pour convaincre M. Peabody de demander à Madame
Random, une vieille dame pleine d'argent de donner un million de
dollars au muséum. Pauvre David Huxley, si mal à l'aide dans son
pantalon de golf, tenant son club maladroitement et qui a envoyé sa
balle de l'autre côté du parcours là où se trouve une femme qui
est en train de s'emparer de cette balle perdue.
Elle
s'appelle Susan (Katharine Hepburn) et, elle, quand elle voit une
balle de golf sur un terrain de golf, elle tape dedans, peu importe à
qui elle appartient. Susan est à sa place partout, notamment au
volant de la voiture de David, qu'elle prend pour la sienne,
cherchant à la sortir du parking et l'emboutissant contre les
pare-chocs des autres automobiles. David ne peut pas laisser cette
inconnue partir avec sa propre voiture, il grimpera sur le
marche-pied, encore une fois au lieu de s'asseoir sur un siège, et
les voilà embarquer dans une drôle d'aventure.
L'Impossible
M. Bébé dure une journée concentrée en 100 minutes, la
meilleure journée de la vie de David Huxley dira-t-il dans
l'épilogue du film, mais durant cette journée, il va souffrir lui
qui avait une vie si bien rangée, une vie de scientifique où le
seul événement prévu est de se marier l'après-midi avec cette
fiancée encore plus conformiste que lui, elle ne demande même pas
une lune de miel. Sa place est dans le muséum, elle ne veut pas en
partir d'autant qu'un os que David attendait depuis cinq ans vient
d'arriver.
Le
mouvement perpétuel cher à Howard Hawks emporte tout. David et
Susan ne se quitteront plus, tout d'abord collés l'un à l'autre
pour des raisons de pudeur, elle déchire son costume, il arrache
l'arrière de sa robe. Les habits ont une grande importance dans le
mouvement comique puisqu'il s'agit constamment d'être pris pour un
autre, l'habit fait le déguisement. Dans ces deux jours de récit,
notre duo inverse les rôles, David portera une robe de chambre à
froufou et Susan le pantalon et la veste d'homme.
Aucun
personnage ne peut rester en place, pas même lors d'un repas. Le duo
s'en va chez la tante Elizabeth, vieille dame patronnesse pour
protéger Bébé, le léopard apprivoisé mais Bébé s'échappe.
Quant au chien George, il a volé la clavicule du brontosaure et l'a
enterrée dans le jardin de la vieille tante. Lors du dîner, David
n'arrête pas de se lever pour suivre le toutou capricieux, puis avec
Susan il partira dans le bois pour capturer le léopard, seulement
armés d'un filet à papillon et d'un maillet de cricket. C'est dire
à quel point ces deux-là ne sont pas équipés pour vivre dans ce
monde.
Le
film n'est qu'une succession de chevauchements de dialogues, de
chutes des corps (jusqu'au plan final), d'erreurs d'appréciation, de
déni de personnalité (David doit cacher à la tante son identité
et se fait surnommer Bone), de sous-entendus sexuels (bone justement
métaphore du pénis) et de mensonges qui sont des vérités. Le
finale dans la prison est extraordinaire, un enchaînement, tel le
bouquet de feu d'artifices, des tous ces éléments perturbateurs de
la réalité pour en créer une nouvelle, celle que va vivre le
couple que formera David et Susan.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire