En
février 2015, le court-métrage (de 50 minutes quand même) Les
Jours d'avant sortait en salles, j'avais beaucoup aimé ce
premier film de Karim Moussaoui que je trouvais très maîtrisé et
admirablement bien dirigé. Voici En attendant les hirondelles
le deuxième premier film du cinéaste algérien qui conserve sa
forme à la Kiarostami, des paysages montagneux et ocres que traverse
une voiture, cette fois – comme un prolongement de ce court-métrage
– ce sont trois histoires qui s'enchaînent.
La
voiture de Mourad (Mohamed Djouhri) file entre les nouveaux immenses
immeubles en construction pour se rendre chez son ancienne épouse
Lila (Sonia Mekkiou), inquiète pour leur fils qui veut quitter
l'école de médecine. Voilà pour le début du premier récit. Dans
le troisième, Dahman (Hassan Kachach) un médecin va faire face à
une femme (Nadia Kaci) qui vit dans un bidonville. Elle lui reproche
de ne pas être intervenu quand elle a été violée pendant la
guerre civile. Elle veut qu'il donne son nom à son fils.
C'est
le deuxième segment qui est le plus long et le plus beau. Djallil
(Mehdi Ramdani) doit traverser l'Algérie en voiture pour conduire un
père et ses deux filles à un mariage. Aïcha (Hania Amar) est la
jeune fiancée. Foulard sur la tête, elle ne dit pas un mot pendant
une partie du trajet. Un petit incident, le père et l'autre sœur
ont une intoxication alimentaire. Ils doivent passer la nuit à
l'hôpital. Djallil et Aïcha vont rester ensemble dans un hôtel au
milieu de nulle part avant de reprendre le voyage.
Tous
deux se connaissaient auparavant, avant qu'elle ne soit fiancée. Les
regards qu'ils ne se donnent pas, qu'ils esquivent tout autant que de
parler ensemble sont des signes qui ne trompent pas. Elle a gardé au
poignet le bracelet que Djallil lui avait offert. Ils vont se
promener, elle ramasse deux grenades (le fruit, pas l'explosif), elle
va danser dans un café désert, demandant au groupe de musique
désœuvré une chanson rock. Elle enlève son foulard, elle étend
ses cheveux sur ses épaules et Djallil la rejoint pour danser.
Derrière
le plaisir de découvrir trois histoires simples, admirablement bien
racontées, avec patience et dignité (ce qui manquait à La Belle
et la meute), ce sont trois portraits de femmes opposées qui
composent le film. Lila la grande bourgeoise libérée qui mélange
le français et l'arabe à chaque phrase, Aïcha qui se perd dans une
tradition voulue par son père et la femme du bidonville pauvre mais
au regard perçant et fier. A ces trois femmes, il faut ajouter le
personnage de Aure Atika, française déçue par son « retour
au bled » qui va quitter Mourad.
Ce
sont les temps de latence, l'attente qui traversent la mise en scène
de Karim Moussaoui. La musique a une grande importance, du classique
sur des 33 tours (Bach) en intradiégétique, l'adagio d'Aram
Khachaturian que je n'avais entendu que dans 2001 l'odyssée de
l'espace lors du deuxième récit (c'est sublime). Et dans cet
endroit perdu, entre deux routes et trois montagnes sans arbres, un
groupe de rock se met à chanter, impossible de ne pas penser à
l'interlude dans l'église de Holy motors pour cette pause
musicale.
En
attendant les hirondelles (métaphore pour parler du printemps
donc du renouveau) n'est pas un film choral. Les transitions se font
simplement, un personnage débarque en voiture pour lancer le nouveau
récit. L'hôpital revient dans chaque récit, manière d'évoquer
sans appuyer que l'Algérie est en convalescence. Le cinéaste
emploie la caméra steadycam ou au drone pour filmer ses personnages
et la nature dans des plans aériens et dynamiques, des plans fixes
pour cadrer la ville, le bidonville, les nouveaux quartiers. C'est un
très beau film.
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