samedi 16 décembre 2017

Les Gardiennes (Xavier Beauvois, 2017)

J'ai un peu hésité avant d'aller voir Les Gardiennes, un peu à cause de la longueur (2h15 quand même), pas mal parce que je ne garde aucun souvenir du précédent film de Xavier Beauvois La Rançon de la gloire, l'affiche se garde bien de le rappeler évoquant uniquement Des hommes et des Dieux, que je n'aime pas plus que cela et puis surtout le sujet, la Première guerre mondiale. C'est étonnant comme 14-18 n'arrive pas à faire d'aussi bon films que la Deuxième guerre mondiale, on y parle que des gueules cassées ou que du front (à l'exception des Sentiers de la gloire).

Le premier plan, dans la brume, circule autour de soldats au sol, dans un champ de bataille où les corps ont subi une déflagration. Une date : 1915. la séquence est très courte, ce sera la seule incartade dans le champ de bataille, le champ d'honneur comme dira plus loin dans le film un curé lors d'un hommage à tous ces soldats. Deuxième plan, Hortense (Nathalie Baye) et sa fille Solange (Laura Smet), réunies pour la première fois dans un film (sorti d'ailleurs le jour de la mort de Johnny Hallyday), l'une poussant la herse, l'autre tirant le cheval.

La caméra les suit en train de préparer un champ de leur propriété. Nous sommes dans la campagne de la Vienne, en 1916. Les hommes sont tous absents, sauf les vieux, ici Henri (Gilbert Bonneau), le beau-père d'Hortense. Xavier Beauvois est avare de renseignements sur les relations entre les personnages, avare de dialogues (Laura Smet n'aura que quelques lignes à dire pendant tout le film) et de prénoms également (il évacue l'un des écueils pénibles du cinéma français, chaque réplique donnée est accompagnée du prénom du personnage auquel il s'adresse).

Le récit épouse les travaux des champs, le travail à la ferme, tels qu'ils étaient fait jadis, un travail de mise en scène minutieux et âprement documenté. Tout y passe, le labour, le semis, la moisson, la préparation des repas, le soin donné aux vaches. C'est dans ce trop plein de documentaire que la fiction arrive dans Les Gardiennes. Hortense décide d'embaucher un aide pour la ferme, évidemment, tous les jeunes hommes sont à la guerre. C'est ainsi que Francine (Iris Bry) débarque à la ferme.

Francine est orpheline, elle a passé toute sa vie dans des foyers. « Elle a vingt ans, elle est douée pour les tâches lourdes mais aussi pour les travaux plus fins » dira le directeur du foyer à Hortense. Un peu comme une bête de somme. Le seul bien de Francine est un crucifix qu'elle range dans une boîte en métal et accroche sur le mur de sa piaule. Mais Francine a le certificat d'études, elle sait lire et écrire. Elle va utiliser ces connaissances pour écrire à Georges (Cyril Descours), le deuxième fils d'Hortense.

Georges est soldat, comme son frère aîné Constant (Nicolas Giraud) et Clovis l'époux de Solange (Olivier Rabourdin). Tous trois sont à la guerre, sur le front des Ardennes, bien loin de la Vienne. Constant est l'instituteur du village, quand celui-ci vient en permission, ses anciens élèves lui entonnent une chanson contre les boches. Tout le monde est fier de lui, surtout Hortense et Henri, il a reçu une médaille. Xavier Beauvois ne commet pas l'anachronisme d'évoquer le rejet de la folie meurtrière, il montre l'endoctrinement des Français.

Les trois hommes viendront chacun à tour de rôle à la ferme et Georges, le plus secret, le moins causant, plaît à Francine et réciproquement. Il veut lui montrer son petit bois et son dolmen. Ils vont s'écrire et tomber amoureux. Seulement voilà, Georges était promis à Marguerite (Mathilde Viseux-Ely), à peine 18 ans, moins jolie que Francine mais qui a l'assentiment de la mère de Georges. Marguerite est jalouse de l'employée et qui va tout faire, avec l'aide de Solange pour écarter sa rivale.


Le film a parfois des allures de saga familiale, genre cette vieille série du début des années 1980, Via Mala, quand la télé prenait le temps de faire des films, parfois on est dans le mélodrame amoureux revêche méthode Les Deux Anglaises et le continent. Le format scope de Caroline Champetier permet de beaux cadres de paysage suivant toutes les saisons (les arbres sont très beaux). Michel Legrand a fait la musique, Les Gardiennes (du bon ordre) se termine d'ailleurs par une chanson et un beau regard caméra.

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