J'ai
un peu hésité avant d'aller voir Les Gardiennes, un peu à
cause de la longueur (2h15 quand même), pas mal parce que je ne
garde aucun souvenir du précédent film de Xavier Beauvois La
Rançon de la gloire, l'affiche se garde bien de le rappeler
évoquant uniquement Des hommes et des Dieux, que je n'aime
pas plus que cela et puis surtout le sujet, la Première guerre
mondiale. C'est étonnant comme 14-18 n'arrive pas à faire d'aussi
bon films que la Deuxième guerre mondiale, on y parle que des
gueules cassées ou que du front (à l'exception des Sentiers
de la gloire).
Le
premier plan, dans la brume, circule autour de soldats au sol, dans
un champ de bataille où les corps ont subi une déflagration. Une
date : 1915. la séquence est très courte, ce sera la seule
incartade dans le champ de bataille, le champ d'honneur comme dira
plus loin dans le film un curé lors d'un hommage à tous ces
soldats. Deuxième plan, Hortense (Nathalie Baye) et sa fille Solange
(Laura Smet), réunies pour la première fois dans un film (sorti
d'ailleurs le jour de la mort de Johnny Hallyday), l'une poussant la
herse, l'autre tirant le cheval.
La
caméra les suit en train de préparer un champ de leur propriété.
Nous sommes dans la campagne de la Vienne, en 1916. Les hommes sont
tous absents, sauf les vieux, ici Henri (Gilbert Bonneau), le
beau-père d'Hortense. Xavier Beauvois est avare de renseignements
sur les relations entre les personnages, avare de dialogues (Laura
Smet n'aura que quelques lignes à dire pendant tout le film) et de
prénoms également (il évacue l'un des écueils pénibles du cinéma
français, chaque réplique donnée est accompagnée du prénom du
personnage auquel il s'adresse).
Le
récit épouse les travaux des champs, le travail à la ferme, tels
qu'ils étaient fait jadis, un travail de mise en scène minutieux et
âprement documenté. Tout y passe, le labour, le semis, la moisson,
la préparation des repas, le soin donné aux vaches. C'est dans ce
trop plein de documentaire que la fiction arrive dans Les
Gardiennes. Hortense décide d'embaucher un aide pour la ferme,
évidemment, tous les jeunes hommes sont à la guerre. C'est ainsi
que Francine (Iris Bry) débarque à la ferme.
Francine
est orpheline, elle a passé toute sa vie dans des foyers. « Elle
a vingt ans, elle est douée pour les tâches lourdes mais aussi pour
les travaux plus fins » dira le directeur du foyer à Hortense.
Un peu comme une bête de somme. Le seul bien de Francine est un
crucifix qu'elle range dans une boîte en métal et accroche sur le
mur de sa piaule. Mais Francine a le certificat d'études, elle sait
lire et écrire. Elle va utiliser ces connaissances pour écrire à
Georges (Cyril Descours), le deuxième fils d'Hortense.
Georges
est soldat, comme son frère aîné Constant (Nicolas Giraud) et
Clovis l'époux de Solange (Olivier Rabourdin). Tous trois sont à la
guerre, sur le front des Ardennes, bien loin de la Vienne. Constant
est l'instituteur du village, quand celui-ci vient en permission, ses
anciens élèves lui entonnent une chanson contre les boches. Tout le
monde est fier de lui, surtout Hortense et Henri, il a reçu une
médaille. Xavier Beauvois ne commet pas l'anachronisme d'évoquer le
rejet de la folie meurtrière, il montre l'endoctrinement des
Français.
Les
trois hommes viendront chacun à tour de rôle à la ferme et
Georges, le plus secret, le moins causant, plaît à Francine et
réciproquement. Il veut lui montrer son petit bois et son dolmen.
Ils vont s'écrire et tomber amoureux. Seulement voilà, Georges
était promis à Marguerite (Mathilde Viseux-Ely), à peine 18 ans,
moins jolie que Francine mais qui a l'assentiment de la mère de
Georges. Marguerite est jalouse de l'employée et qui va tout faire,
avec l'aide de Solange pour écarter sa rivale.
Le
film a parfois des allures de saga familiale, genre cette vieille
série du début des années 1980, Via Mala, quand la télé
prenait le temps de faire des films, parfois on est dans le mélodrame
amoureux revêche méthode Les Deux Anglaises et le continent.
Le format scope de Caroline Champetier permet de beaux cadres de
paysage suivant toutes les saisons (les arbres sont très beaux).
Michel Legrand a fait la musique, Les Gardiennes (du bon
ordre) se termine d'ailleurs par une chanson et un beau regard
caméra.
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