mercredi 25 juillet 2018

Un pigeon perché sur une branche philosophait sur l'existence (Roy Andersson, 2014)

Quand j'avais regardé le film de Roy Andersson au titre si extravagant mais tellement vain, je m'étais franchement ennuyé, bien plus qu'à Nous les vivants, sauf à une séquence qui débarque sans crier gare au bout de 40 minutes. Jusqu'à présent l'art consommé et surfait du plan séquence du cinéaste suédois s'était contenté de prendre dans le cadre quelques personnages qui débitaient leurs petits dialogues sur un ton monocorde. Tout à coup, pendant dix minutes Un pigeon perché sur une branche philosophait sur l'existence se met à respirer.

Plan séquence, la caméra est au fond de la salle, un café de grande taille, en arrière plan les portes et vitres, à droite le bar avec son personnel, des tables sont occupées par des consommateurs. On s'embrasse, on joue au flipper, on boit silencieusement sa bière. Le duo de représentants vu pendant tout le reste du film fait son entrée. Ils continuent de vendre les gadgets de farce et attrape, toujours avec la démonstration de l'effet comique. Tandis qu'ils montrent aux clients les articles, deux soldats ouvrent grand la porte.

C'est l'irruption dans le contemporain gris de la Suède de Roy Andersson d'une image du passé. On constate que les soldats portent un uniforme ancien, en l'occurrence celui de la Suède impériale au début du 18e siècle quand le souverain était le maître de toute la Scandinavie mais aussi des pays baltes et d'une partie de l'Allemagne du Nord. Ce roi de Suède, Karl XII, est renommé et en 12 minutes, le cinéaste décide de résumer sa vie avec pratiquement aucun dialogue, ce qui est un tour de force qui dynamise le film.

Une fois les portes ouvertes, un officier à cheval pénètre sur sa monture et demande violemment aux femmes de quitter le lieu. Il crie contre un joueur de flipper qu'il lacère de coups de badine. Le roi arrive enfin, il est interprété par l'artiste circassien Viktor Gyllenberg, cheveux roux, peau d'une grande blancheur. Trois soldats se mettent à quatre pattes pour former un escalier afin que le roi puisse descendre de son cheval.

La réputation de Karl XII est celle d'un souverain qui n'aimait pas les femmes, il fait demander un verre d'eau pour se rafraîchir. Jamais le roi ne s'adresse directement aux Suédois de la période contemporaine. Il exige que le jeune garçon de café, en chemise blanche (la virginité) lui serve à boire, enfin le roi parle directement à ce jeune homme dont il semble instantanément tomber amoureux, le fixant et lui tenant délicatement la main.


En arrière plan, les soldats traversent de gauche à droite le cadre, allant à la guerre contre la Russie de Pierre le Grand, chantant la gloire de Karl XII. Le film reviendra quelques minutes plus tard sur Karl XII, cette fois défait par l'armée russe, les soldats qui reviennent de guerre sont claudiquant et bien moins nombreux. Le roi gît sur son cheval, agonisant, il est revenu voir son jeune homme qui n'est plus là. Il se rêvait immense, il a eu droit à un biopic de douze minutes.
















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