Il
y a quelques jours on célébrait les 30 ans de la sortie américaine
de Piège de cristal, la sortie française eut lieu trois mois
plus tard dans une indifférence quasi totale. La critique de
l'époque avait traité avec condescendance le film de John
McTiernan, quand elle n'éludait pas tout simplement le film dans ses
pages critiques (ainsi les Cahiers du cinéma n'ont rien écrit sur
le film, il faudra attendre Last action hero pour que la revue
comprenne l'importance du cinéaste aujourd'hui acclamé par toutes
les chapelles).
Le
long générique de Piège de cristal (8 minutes) présente
John McLane. Bruce Willis était à l'époque un acteur comique que
ce soit à la télévision (Clair de lune qui avait établi la norme
de la série policière encore en cours de nos jours) ou chez Blake
Edwards, Boire et déboires superbe farce sur l'alcool et
Meurtre à Hollywood sur le cinéma muet. Un comique dans un
film d'action, quelle idée à l'époque où Sylvester Stallone et
Arnold Schwarzenegger triomphent à chaque film, il faut ainsi
démarquer Bruce Willis de ses concurrents.
Le
générique détaille avec minutie la vie de McLane. On apprend qu'il
vit de New York et va à Los Angeles rejoindre sa femme Holly (Bonnie
Bedelia). Assis à côté d'un col blanc, il fait tâche avec sa
chemise à carreaux (ses vêtements ont une grande importance), sous
son blouson ce voisin de siège distingue un flingue. McLane le
rassure, il n'est pas un terroriste (ironie compte tenu de ce qui va
suivre) mais un flic depuis 11 ans. Il s'agit ici d'humaniser au
maximum Bruce Willis, d'en faire un homme ordinaire, un voisin de
pallier, l'inverse des surhommes que sont Arnold et Stallone.
Plus
que cela, McLane sort de l'avion avec un énorme nounours en peluche
pour offrir à sa fille pour Noël, le film se déroule à ce moment
de l'année. Un papa poule mais un époux dominé. Il se rend compte
qu'une limousine l'attend à l'aéroport appuyant l'incongruité de
la situation, le gars en chemise à carreaux s'installe à l'avant
discutant avec le chauffeur bavard Argyle (De'voreaux White) et
découvre pour la première fois Los Angeles. Direction le building
Nakatomi où bosse Holly qui travaille sous son nom de jeune fille,
Gennero.
Pour
qui regarderait pour la toute première fois Piège de cristal
sans savoir de quoi va parler le film, avec ces premières minutes de
film (une bobine entière, environ 20 minutes), il pourrait penser
qu'il s'agit d'une comédie sur le mariage où un couple séparé par
la distance se rejoint le temps des fêtes pour se retrouver. Tout y
est, le collègue de Holly, le lourdingue Ellis (Hart Bochner) qui la
drague ouvertement devant McLane, la photo de famille qu'elle
retourne et la discussion sur la vie de leur couple après que McLane
ait pris une douche.
Il
faut lire entre les plans, observer le crépuscule qui s'abat sur la
ville dans un clair-obscur créé par Jan De Bont et écouter la
musique sourde et inquiétante de Michael Kamen pour amorcer
l'arrivée de Hans Gruber (Alan Rickman) et de sa bande. C'est bien
joli les malheurs matrimoniaux mais ça satisfait un temps. Hans et
sa bande de méchants débarquent dans le building avec deux
véhicules, un gros poids-lourd et une voiture. Le camion descend
dans le garage sous-terrain, là où se trouve Argyle avec la limo et
la voiture se gare devant la tour Nakatomi.
Il
s'agit de ne plus perdre de temps, Théo (Clarence Gilyard) et un
comparse discutent sport en s'approchant du vigile et le dézingue
d'une balle dans la tête. Théo, informaticien hors pair et petit
comique (il sort un bon mot à chaque scène, comme son patron)
s'empare du système et bloque les accès ainsi que l'ascenseur qui
ne peut désormais accéder qu'au 29e étage là où Takagi (James
Shigeta) donne sa réception de Noël. Pendant ce temps, Hans Gruber
traverse le sous-sol avant de monter à cet étage et prendre tout le
monde en otage.
C'est
bien la différence entre McLane et Gruber qui provoque l'action dans
Piège de cristal. Gruber en costumes cravate a tout planifié
et son plan fonctionne à merveille. John McLane est dans la salle de
bain, pieds nus, en pantalon trop large et marcel sur la peau.
Seulement armé de son revolver de fonction, il se cache et comprend
vite la situation. Il quitte la salle de bains pour monter par les
escaliers aux étages supérieurs. Le plan parfait face à
l'improvisation totale, une bande lourdement armée face à un homme
seul, Piège de cristal peut enfin commencer.
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