dimanche 22 juillet 2018

La Princesse aux huîtres (Ernst Lubitsch, 1919)

Le roi de la vente des huîtres, le fortuné businessman Monsieur Quaker (Victor Janson) n'est pas homme à se laisser impressionner par quoi que ce soit. Sa phrase favorite répétée tout au long du film avec un air dédaigneux est « ça ne m'impressionne pas ». Quand sa fille Ossi (Ossi Oswalda) est en train de casser tout ce qui lui traîne sous la main dans se chambre, il continue de fumer son énorme cigare, de boire son café, de dicter une lettre à ses secrétaires.

Le roi des huîtres peut se permettre une vie au-delà du luxe qu'Ernst Lubitsch caractérise par une abondance de domestiques et d'employés aussi inutiles que nombreux. Les quatre laquais Noirs n'ont d'autres missions que de tenir le cigare du patron, de le faire boire, de l'essuyer, Quaker ne fait rien lui-même. Cette mécanisation du repas anticipe les repas de Charlot dans Les Temps modernes tout autant que la mégalomanie du potentat.

Contraint et forcé, il accepte de se rendre au pas de trop, histoire de ne pas perdre de temps, dans la chambre de sa fille. Là encore, c'est un décor monumental qu'il traverse, un dédale de longs couloirs, d'escaliers gigantesques ornés de têtes de lion, des parquets resplendissants. C'est tout un univers où le millionnaire et sa fille unique vivent, dans un vase clos où eux seuls ont la parole, où eux seuls agissent et ont un semblant de vie.

Mais cela n'est pas suffisant pour Ossi qui montre une terrible nouvelle à son père, cause de sa noir colère. La fille du roi du cirage a épousé un comte. Cela n'impressionne pas Quaker, certes, mais il s'empresse pour calmer son rejeton et pour relever le défi tacite entre millionnaires de dire qu'il ira acheter un prince, car un prince c'est mieux qu'un comte et le roi des huîtres vaut mieux que le roi du cirage.

Dans cette comédie « grotesque » comme le dit le générique de La Princesse aux huîtres, ce qui compte est l'exagération, la richesse de Monsieur Quaker, le nombre de domestiques, la colère de sa fille et cette idée d'acheter un prince. Inversement, le prince vit dans le dénuement le plus total, dans une chambre de bonne minuscule, qui plus Nucki (Harry Liedtke) vit avec Josef (Julius Fakelstein) qui se prend pour Erich von Stroheim.

La duo désargenté n'est pourtant pas des plus ravi quand le marieur, personnage loufoque tenant une agence matrimoniale (une immense pièce où les photos des célibataires couvrent les murs du sol au plafond). Nucki du haut de son trône improvisé (un fauteuil sur une caisse de bois qui servait une minute avant de table) se la joue grand seigneur et décide d'envoyer Josef en éclaireur pour savoir si la princesse aux huîtres est digne de lui.

Le reste du film joue sur le quiproquo suivant : Ossi prend Josef pour le prince et l'épouse. Mais dès la bague au doigt, elle le traite comme un enfant (belle scène de fiacre où avant le mariage, il est assis à côté d'elle, puis passe à l'arrière les noces célébrées). Josef aimerait passer à l'étape suivante. Il ne pourra jamais, Ossi l'expédie dans une chambre en face de la sienne. Tout juste va-t-il pouvoir observer par le trou de la serrure la princesse aux huîtres.

Le pauvre diable tente de trouver Monsieur Quaker pour se plaindre, mais il se perd dans le labyrinthe de la demeure, pire que tout, Quaker le prend pour un de ses laquais et lui demande de le moucher. Après tout, le millionnaire l'a acheté, et les domestiques rigolent bien quand il va comprendre le caractère bien trempé d'Ossi. Il ne reste plus qu'à Josef à boire lors de la fête du mariage, il finit au milieu de dizaines de bouteilles.


L'alcool est le dernier élément du film, celui par lequel Ossi va rencontrer le vrai prince Nucki et tomber amoureux l'un de l'autre. C'est que Ossi et ses amies mondaines sont des dames patronnesses et aident des alcooliques (après avoir sabré le champagne). Elle s'amusent aussi à faire de la boxe. Ossi emporte le gros lot, soit Nucki. Monsieur Quaker observe par la serrure ce nouveau couple et enfin il peut affirmer que « ça l'impressionne ».

























Aucun commentaire: