mercredi 31 janvier 2018

Sparring (Samuel Jouy, 2017)

Depuis Charlot boxeur, le héros du film de boxe est un anti-héros, un loser, un outsider. Qu'il gagne à la fin, souvent une pure convention hollywoodienne ou qu'il perde avec les honneurs ne change rien à la poisse qu'il trimbale. Nous avons gagné ce soir de Robert Wise, Le Baiser du tueur de Stanley Kubrick, Fat city de John Huston, Rocky de John Avildsen, Raging Bull de Martin Scorsese, comme Sparring premier film de Samuel Jouy mettent en avant ces losers au destin peu enviable mais pour lequel le spectateur se prend immédiatement de sympathie.

Notre loser de Sparring s'appelle Steve Landry et Mathieu Kassovitz offre son corps las de quadragénaire avancé (il est censé avoir 46 ans) est un boxeur en fin de carrière. Le match qu'il joue en début de film se solde par un cuisant échec. Il n'ose pas dire à sa copine Marion (Olivia Marilhati), femme plus jeune que lui avec laquelle il a eu une fillette, qu'il continue les combats, pas très glorieux d'ailleurs. Mais il faut rapporter de quoi payer la bouffe et le loyer (cette fois l'action se passe en Normandie, ce qui nous change des films situés dans le Nord). Steve ne rêve que d'une chose, faire un 50e combat. Puis arrêter la boxe.

Seulement voilà, personne ne veut de lui, compte tenu de son âge et de son grand nombre de défaites. Sans en parler à Marion (encore une fois), il décide de se faire engager pour être un sparring, c'est-à-dire un punching ball humain pour un jeune boxeur, Tarek (Souleymane M'Baye), promis à un brillant avenir et déjà célèbre pour ses victoires. Quand Tarek voit débarquer à côté de deux autres sparrings bien plus frais ce Steve qui fait peine à voir, il le vire assez vite, non sans engueuler son manager d'avoir engager ce vieux boxeur. Mais le vieux boxeur s'accroche à ses gants et offre avec malice quelques judicieux conseils sur le futur adversaire de Tarek.

Boxeur loser et loser dans sa famille, c'est là que le film va chercher son nœud narratif autour de la fille du couple (Billie Blain) étonnante gamine androgyne fascinée par les exploits de son père et frustrée de ne pas pouvoir assister à ces entraînements où le corps de Steve se fait amocher. La scène la plus réussie est aussi la plus cruelle, lors d'un gala, Steve se bat contre Tarek dans une démonstration publicitaire. Tarek ne porte pas de casque et il joue avec Steve comme avec un chiot sous les yeux de l'enfant autorisée à assister à ce combat. Elle entend les moqueries des spectateurs en l'encontre de son père.


On peut aussi aller voir Sparring pour découvrir le dernier rôle d'Yves Afonso, celui du père spirituel de Steve. Yves Afonso, qui vient de décéder le 21 janvier, apporte sa gueule cassée, son nez légendaire et sa voix comme aucune autre, l'idée précise que je me fais de ce qu'est un boxeur qui ne gagne pas de match. L'acteur avait joué dans plusieurs films de Jean-Luc Godard et avait incarné un faux plombier dans L'Aile ou la cuisse de Claude Zidi. Il venait voler le guide culinaire au nez à la barbe des employés de Louis de Funès pour les donner au diabolique Tricatel. Une scène très courte où sa silhouette est inoubliable.

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