Deux
corps que tout oppose. La frêle Agnese (Selene Caramazza), bientôt
18 ans, cheveux mi-longs, en tenue légère parce que c'est l'été,
un pendentif en crucifix autour du cou. L'athlétique Stefano (Simone
Liberati), la vingtaine, boucle d'oreille, cheveux très courts,
débardeur sur un torse finement musclé, un tatouage sur l'épaule.
Ce dernier poursuit la première, dans une alternance de plans
rapprochés où la caméra de Roberto de Paolis scrute les visages
haletants, épuisés par cette course-poursuite.
Un
peu paresseusement, je me suis dis que le mec poursuivait la fille
pour l'agresser. Stefano est vigile dans un magasin, Agnese a volé
un portable. Elle implore le jeune homme de la laisser partir, que
c'est son premier vol, de ne pas appeler la police. Il la laisse
partir, ce qui lui vaudra d'être viré. Il trouve un autre boulot,
totalement dégradant, surveiller un parking, seul toute la journée,
pas même une guérite pour s'abriter quand il pleut, il finit alors
torse nu trempé comme une soupe.
La
Rome de Cœurs purs est à l'extrême opposé de celle de
Paolo Sorrentino, le parking de Stefano est dans une zone commerciale
de béton, de briques et de bitume. Avec un grillage pour séparer le
parking des Roms venus s'installer là et qui ne cessent de venir sur
le parking pour jouer au ballon, tourner en moto et provoquer Stefano
qui s'ennuie mortellement et ne sait pas trop comment réagir. Un
jour, Agnese et sa maman (Barbora Bolubova) débarquent dans la place
et viennent voir les migrants.
Au
cœur du film se trouve la relation entre la jeune fille (qui vient
d'avoir 18 ans enfin) et sa mère. Elle lui a confisqué son
téléphone (c'est pour ça qu'elle en a volé un) parce qu'un de ses
camarades de lycée lui envoyait, dit la mère poule, des SMS
salaces. Elle couve son adolescente de fille et dans l'une des scènes
les plus troublantes, on les voit dormir dans le même lit, habillées
de la même manière, comme en symbiose. Agnese va devoir se séparer
de cette mère encombrante d'autant qu'elle veut revoir le beau
Stefano.
Les
parents de ce dernier lui causent quelques soucis. La mère de
Stefano (Antonella Attilli) lui réclame 200 € pour payer leur
loyer. Il n'avait pas vu ses parents depuis des mois, il est fâché
avec son père. Ils se retrouvent dans un camping-car devant leur
immeuble et le père ne cesse de critiquer tout le monde, son fils
ingrat en premier lieu et les Roms avec ce discours entendu partout
où ils prendraient l'argent des pauvres Italiens pour se payer des
voitures de luxe et des smartphones dernier cri.
Agnese
et Stefano doivent se libérer du poids de leur parents et aussi de
leur entourage. Pour Agnese, c'est la religion avec un curé qui ne
cesse de prôner la chasteté à ses jeunes ouailles et pour Stefano
sa bande de potes qui vivent du trafic de drogues. Chasteté,
religion, misère, xénophobie, Cœurs purs lie tous ces
sujets, les imbrique dans cette histoire d'amour contrariée où les
corps, un peu empotés, tentent de se rapprocher (belle scène de
baignade isolée du reste du monde) puis de se séparer.
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