Plus
que Cœurs brûlés (Morocco, 1930) de Josef von
Sternberg, c'est dans Désir que je trouve resplendissant le
duo entre Marlene Dietrich et Gary Cooper, surtout quand ce dernier
joue les grands dadais un peu bêta, ici Tom Bradley un ingénieur en
moteurs de voitures, un Américain de Detroit venu bosser à Paris et
qu'elle joue les aristocrates dévoyées et pimbêches, ici Madeleine
de Beaupré, soi-disant comtesse, voleuse de bijoux.
Rencontre
percutante à Paris quand Tom Bradley part en vacances en Espagne à
bord de sa nouvelle voiture, la Bronson 8 payée par son patron qui
voit une belle aubaine de mettre un encart publicitaire sur la roue
de scours avec le beau slogan, ardemment discuté par les deux
hommes, « I'm happy to drive a Bronson 8 ». L'automobile
de Bradley percute la rutilante berline blanche de Madeleine qui
demande à son chauffeur de ne pas intervenir.
Et
pour cause, elle ne veut pas attirer l'attention de la police.
Madeleine a un piège à tendre à un joaillier, le rondouillard M.
Duvalle (Ernest Cossart) où elle décide d'acheter un collier de
perles à 2,2 millions de francs. Non, elle ne le prend pas avec
elle, elle demande qu'il l'apporte chez son époux, le psychiatre
Maurice Pauquet (Alan Mowbray). Le bijoutier devra se rendre au
cabinet à 18 heures pour apporter le collier et un chèque lui sera
donné.
Pendant
ce temps, Madeleine a changé de voiture, elle est désormais noire,
comme le veston de son chauffeur et sa robe luxueuse. Elle passe du
blanc au noir et va rencontrer le Dr. Pauquet qui n'est pas du tout
son mari. Elle doit le convaincre que M. Duvalle est son époux et
qu'il est malade. Or, l'une des ses maladies, en plus qu'il ne porte
plus de pyjama mais une chemise de nuit, est qu'il présente des
factures farfelues.
C'est
par cette séquence d'ouverture on ne peut plus brillante (et d'une
fine drôlerie) que commence Désir pour se poursuivre avec la
fuite de Madeleine vers l'Espagne et qui percute-t-elle à la
frontière entre les deux pays ? Tout simplement Tom Bradley
avec son sourire béat tout content de se prendre en photo devant sa
belle voiture (que des photos ratées comme on le découvrira plus
tard) et qui se fera asperger de boue par la voiture de Madeleine qui
file à vive allure.
« Où
est le conducteur que je lui fiche mon poing sur la figure ? »
« C'est moi » répond-elle narquoise. Le conducteur est
une conductrice et Bradley ne lui fichera pas sa main sur la figure
mais il est ronchon. Madeleine a de quoi l'amadouer avec ses mots
rassurants, ses yeux de biche et son charmant sourire. Le grand
Américain (« 6 feet 3 » dit-il) se laisse prendre au
piège et prend la comtesse dans sa voiture pour aller jusqu'à
Saint-Sébastien.
Si
Madeleine s'accroche à Bradley ne le quitte plus, ce n'est pas pour
son charme mais parce qu'elle a glissé dans la poche du veston du
monsieur le collier de perles. Frank Borzage prolonge le plaisir
théâtral de ces quiproquos à n'en plus finir, une chasse aux
perles menées par le double jeu de Madeleine. Le pauvre Bradley ne
rend compte de rien, se fâche de l'inconvenance de la dame puis se
laisse encore avoir.
Dans
la chambre 212 de cet hôtel de luxe, Casa Rubio, demeure la comtesse
et elle reçoit la visite du Prince Margoli (John Halliday) et de
tante Olga (Zeffie Tilbury). Là encore c'est un double jeu, devant
les garçons d'hôtel, ce sont des dialogues mondains, une fois
ceux-ci partis, c'est un flot de réprimandes que subit Madeleine
d'avoir laissé filer le collier de perles avec l'Américain, déposé
par elle dans la poche du veston pour ne pas se faire prendre aux
douanes.
Le
faux prince s'appelle Carlos et veut récupérer son dû. Ça tombe
bien, Bradley rapplique et l'imbroglio des sentiments commence dans
cette maison aux multiples escaliers, grilles, portes qui ne
fonctionnent moins comme un vaudeville à la Lubitsch (producteur de
Désir) que comme un labyrinthe amoureux où Madeleine et
Bradley ne cessent de se fuir, de se cacher, de se retrouver pour
échapper à cet affreux prince et à cette terrible tante et
commencer une nouvelle vie.
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