mercredi 10 janvier 2018

Désir (Frank Borzage, 1936)

Plus que Cœurs brûlés (Morocco, 1930) de Josef von Sternberg, c'est dans Désir que je trouve resplendissant le duo entre Marlene Dietrich et Gary Cooper, surtout quand ce dernier joue les grands dadais un peu bêta, ici Tom Bradley un ingénieur en moteurs de voitures, un Américain de Detroit venu bosser à Paris et qu'elle joue les aristocrates dévoyées et pimbêches, ici Madeleine de Beaupré, soi-disant comtesse, voleuse de bijoux.

Rencontre percutante à Paris quand Tom Bradley part en vacances en Espagne à bord de sa nouvelle voiture, la Bronson 8 payée par son patron qui voit une belle aubaine de mettre un encart publicitaire sur la roue de scours avec le beau slogan, ardemment discuté par les deux hommes, « I'm happy to drive a Bronson 8 ». L'automobile de Bradley percute la rutilante berline blanche de Madeleine qui demande à son chauffeur de ne pas intervenir.

Et pour cause, elle ne veut pas attirer l'attention de la police. Madeleine a un piège à tendre à un joaillier, le rondouillard M. Duvalle (Ernest Cossart) où elle décide d'acheter un collier de perles à 2,2 millions de francs. Non, elle ne le prend pas avec elle, elle demande qu'il l'apporte chez son époux, le psychiatre Maurice Pauquet (Alan Mowbray). Le bijoutier devra se rendre au cabinet à 18 heures pour apporter le collier et un chèque lui sera donné.

Pendant ce temps, Madeleine a changé de voiture, elle est désormais noire, comme le veston de son chauffeur et sa robe luxueuse. Elle passe du blanc au noir et va rencontrer le Dr. Pauquet qui n'est pas du tout son mari. Elle doit le convaincre que M. Duvalle est son époux et qu'il est malade. Or, l'une des ses maladies, en plus qu'il ne porte plus de pyjama mais une chemise de nuit, est qu'il présente des factures farfelues.

C'est par cette séquence d'ouverture on ne peut plus brillante (et d'une fine drôlerie) que commence Désir pour se poursuivre avec la fuite de Madeleine vers l'Espagne et qui percute-t-elle à la frontière entre les deux pays ? Tout simplement Tom Bradley avec son sourire béat tout content de se prendre en photo devant sa belle voiture (que des photos ratées comme on le découvrira plus tard) et qui se fera asperger de boue par la voiture de Madeleine qui file à vive allure.

« Où est le conducteur que je lui fiche mon poing sur la figure ? » « C'est moi » répond-elle narquoise. Le conducteur est une conductrice et Bradley ne lui fichera pas sa main sur la figure mais il est ronchon. Madeleine a de quoi l'amadouer avec ses mots rassurants, ses yeux de biche et son charmant sourire. Le grand Américain (« 6 feet 3 » dit-il) se laisse prendre au piège et prend la comtesse dans sa voiture pour aller jusqu'à Saint-Sébastien.

Si Madeleine s'accroche à Bradley ne le quitte plus, ce n'est pas pour son charme mais parce qu'elle a glissé dans la poche du veston du monsieur le collier de perles. Frank Borzage prolonge le plaisir théâtral de ces quiproquos à n'en plus finir, une chasse aux perles menées par le double jeu de Madeleine. Le pauvre Bradley ne rend compte de rien, se fâche de l'inconvenance de la dame puis se laisse encore avoir.

Dans la chambre 212 de cet hôtel de luxe, Casa Rubio, demeure la comtesse et elle reçoit la visite du Prince Margoli (John Halliday) et de tante Olga (Zeffie Tilbury). Là encore c'est un double jeu, devant les garçons d'hôtel, ce sont des dialogues mondains, une fois ceux-ci partis, c'est un flot de réprimandes que subit Madeleine d'avoir laissé filer le collier de perles avec l'Américain, déposé par elle dans la poche du veston pour ne pas se faire prendre aux douanes.


Le faux prince s'appelle Carlos et veut récupérer son dû. Ça tombe bien, Bradley rapplique et l'imbroglio des sentiments commence dans cette maison aux multiples escaliers, grilles, portes qui ne fonctionnent moins comme un vaudeville à la Lubitsch (producteur de Désir) que comme un labyrinthe amoureux où Madeleine et Bradley ne cessent de se fuir, de se cacher, de se retrouver pour échapper à cet affreux prince et à cette terrible tante et commencer une nouvelle vie.























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