mardi 2 janvier 2018

Agent X-27 (Josef von Sternberg, 1931)

Evidemment, tout le monde parle anglais en 1915 à Vienne, capitale de l'Empire austro-hongrois où se déroule la première moitié de Agent X-27. Cette dernière que joue Marlene Dietrich est une femme qui « n'a pas peur de vivre pas peur de mourir ». Avec sa petite voilette sur le visage, dans cette nuit noire des rues mal famées de Vienne, elle est repérée par un capitaine des services secrets pour son grand calme, pour son aplomb, pour sa beauté.

Son premier plan dévoile un bas usé sur sa jambe, on ne saura rien de son passé, si ce n'est qu'elle se prénomme sans doute Marie, comme la Vierge, c'est ainsi que les femmes du cabaret l'appellent. C'est dans ce cabaret qu'elle ira traquer ses proies, les traîtres à la patrie, les espions russes, les ennemis de l'Autriche. C'est qu'en 1915, la Russie est en guerre contre l'Autriche, un monde qui n'existait plus en 1931, un monde où les militaires et les espions sont des aristocrates.

Son premier cas est un général autrichien accusé de trahison, X-27 doit déterminer comment il parvient à faire passer les renseignements secrets. Ce général l'invite à venir boire du Champagne chez lui, elle fouille dans chaque recoin, manquant de se faire surprendre par le valet, elle feint de chercher une cigarette. Le valet affirme que son maître ne fume, c'est alors qu'elle se souvient que le général fumait dans la berline qui les a conduit à son domicile.

Josef von Sternberg introduit un procédé simple pour activer ce souvenir de la cigarette dans l'automobile : un fondu enchaîné. Les deux images se superposent, l'agent X-27 qui se souvient et le souvenir dans la voiture, deux plans posés l'un sur l'autre. J'ai toujours été impressionné par ces nombreux et sublimes fondus enchaînés d'une exceptionnelle longueur, ils inscrivent les personnages dans leur destin et cristallisent les batailles intimes.

L'arrivée d'un colonel russe (Victor McLaglen) dans le cabaret ouvre le récit vers l'amour fou. « Vous allez me porter chance ou malchance » dit-il à l'espionne. Cette fois, il s'invite chez elle, entrant par la fenêtre dans une pluie battante et la nuit (le film est essentiellement nocturne). Elle se réfugie derrière le rideau de son alcôve où elle ne trouvera pas mieux pour se protéger que de prendre son gros chat noir dans les bras. Ce chat est son seul ami, la seule chose à laquelle elle compte.

Dans son double jeu, X-27 doit sans cesse paraître dominer la situation, surtout face au sourire carnassier de Victor McLaglen, puis à ses menaces quand il comprend qu'elle est une espionne. Cette aisance, Marlene Dietrich l'affirme dans la manière de s’asseoir, elle se met dans des positions incongrues, les pieds sur les sofas, en tailleur dans les fauteuils, jambes croisées sur les accoudoirs, parfois le colonel l'installe sur le bar après l'avoir porté sur ses épaules comme un paquet.

La deuxième moitié se déroule en Russie (rappelons-nous qu'en 1915, les deux empires étaient frontaliers). X-27 s'est transformée en femme de ménage, sur un escabeau, elle attire le regard d'un militaire. Dans sa petite robe folklorique, elle joue les bécasses, les ingénues timides au rire un peu idiot, c'est pour Marlene Dietrich une partition comique où elle rayonne loin des regards glamour de la première partie.

Le colonel russe est à sa recherche, il sait qu'elle est là mais ne sait pas où. Il faut préciser qu'elle passe inaperçue en servante mais la présence de son chat noir va la trahir. Ce qui avait commencé à Vienne va pourtant se poursuivre en Russie, des amours contrariées entre Marie et le colonel où les regards narquois ont du mal à masquer le coup de foudre immédiat, cette mission en Russie, elle ne l'a acceptée que pour revoir cet espion russe qu'elle doit piéger.


Pour obtenir les renseignements qu'il lui manque, X-27 utilise la musique, élément très important dans le film. A l'exception de la toute fin pour marquer l'émotion dramatique, l'unique source de musique vient du piano sur lequel Marlene Dietrich joue. X-27 transforme les renseignements en notes de musique, comme un code secret, une mélodie qu'elle devra jouer au colonel russe, une composition de son cru qui devient sa marche funèbre.

































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