lundi 8 janvier 2018

Confident royal (Stephen Frears, 2017)

En 2005 Stephen Frears filmait Elizabeth II dans The Queen, en 2017, c'est la Reine Victoria, Impératrice des Indes qui est au centre de Confident royal. Les deux souveraines ont régné chacune d'elles plus de 63 ans. Si Victoria (Judi Dench) avait eu des chiens comme son arrière-arrière-petite-fille, il est probable que le chef du protocole les aurait placé avant les deux Indiens venus de la colonie simplement nommé « sous-continent » par tous. Ils se trouvent tout en bas de la liste lors du banquet donné, ils doivent remettre à la reine un mohur comme symbole du soumission de leur peuple à l'Empire.

Ce protocole était déjà dans les premières scènes de The Queen, quand Tony Blair venait au palais de Buckingham. Dans Confident royal, Stephen Frears joue au suspense, à quoi ressemble cette reine de 80 ans passés, comment est grimée Judi Dench, héroïne chez le cinéaste de Madame Henderson présente et Philomena ? Ce suspense consiste à ne pas montrer son visage, ses servantes l'aident à l'habiller, la coiffent, son secrétaire lui donne son emploi du temps. On voit le visage de tous sauf celui de Victoria et quand celui-ci apparaît enfin, elle arbore un visage fermé, ennuyé, presque sans vie.

Cette tête ennuyée va procurer l'une des séquences les plus drôles du film, ce banquet où tous les courtisans membres de la noblesse et autres oisifs du Royaume-Uni sont ravis d'avoir été invités. Quand la Reine arrive, lentement, prend place à la tête de l'immense table dans une immense salle. Ce que les convives ignorent est que Victoria déteste ces banquets, elle mange très rapidement, avale la dizaine de plats à toute vitesse et, une fois qu'elle a fini chacune de ses assiette, les laquais enlèvent les assiettes de tous les invités, qu'ils aient fini ou non leur plat. Elle ne dira pas un mot jusqu'à la fin « c'est enfin fini ».

Elle se lève et commence à vouloir partir. Quand son secrétaire lui rappelle la venue de ces deux Indiens. Le premier est Abdul Karim (Ali Fazal) et le second Mohamed (Adeel Akhtar). Ils travaillaient jusqu'alors dans une prison britannique en Inde où les incarcérés fabriquent des tapis. Ils mettent deux mois, en bateau, à venir à Londres. Quand ils débarquent du navire, le capitaine leur dit « bienvenue dans la civilisation » alors que Abdul doit enjamber un mendiant couché dans la boue, le temps est gris, les murs sont noirs, il fait froid.

Pour faire exotique, un couturier leur fait porter de beaux habits rouge vif et un turban qu'ils doivent porter en ceinture. Abdul a beau dire que cela ne fait pas Indien, le couturier leur réplique que c'est plus « authentique ». Les Anglais appellent les deux Indiens des Hindous alors qu'ils sont Musulmans. Alors que son compagnon ne voit chez eux que de l'abjection notamment dans leur alimentation « ils mangent du sang de porc », pour Abdul, c'est cette société anglaise qui est totalement exotique, il la fascine.

Réciproquement, Victoria va se rapprocher de ce serviteur qui ose la regarder droit dans les yeux (là encore le chef du protocole lui avait formellement interdit). Depuis la mort de son époux 30 ans plus tôt, personne n'avait regardé la souveraine. Ils devaient rentrer en Inde, elle les fait rester en Angleterre et Abdul devient son serviteur personnel. Elle l'invite à Balmoral sa résidence écossaise (là où avait lieu les meilleurs scènes de The Queen), puis dans la demeure de Glass-allt-Shiel ce qui n'est pas sans causer quelques troubles dans la cour.

Victoria ne s'est jamais rendu en Inde et quand l'Inde vient à elle, elle veut tout apprendre. Abdul devient son munshi, son mentor qui lui apprend le ourdou, la civilisation indienne, lui raconte l'histoire du Taj Mahal, le vol des joyaux par les Britanniques. Elle veut une mangue, elle s'en fera livrer (deux mois de bateau comme pour Abdul) et arrivera pourrie. Toute cette première partie de Confident royal est délicieuse, confinant parfois à la préciosité, une romance platonique à la Harold et Maude entre une vieille dame et un beau jeune homme poète.

La deuxième moitié verse dans la description des crispations provoquées par la présence d'Abdul. Le médecin de la reine, le premier ministre, les dames de la cour et le prince héritier Albert (Eddie Izzard) surnommé Bertie – le futur Edouard VII, n'en peuvent plus de la présence de cet étranger. Il faut dire que la reine prend un souverain plaisir à les humilier, elle invite même son petit-fils le Kaiser Guillaume à lui serrer la main. Quand Bertie tente de la faire passer pour folle, elle lui réplique qu'elle a bien des défauts, qu'elle nomme tous, mais qu'elle n'est pas folle.


Stephen Frears avait décrit dans My beautiful laundrette l'un des ses plus beaux films, un Pakistanais musulman qui tombe amoureux d'un Anglais skinhead. Il avait résolu cette histoire avec un happy end qui ouvrait vers un semblant d'espoir de voir le racisme détruit. Dans Confident royal, l'amitié entre Victoria et Abdul est écrasée par Bertie, particulièrement antipathique, qui détruit toutes les preuves de cette histoire, c'était donc le cinéma seul qui pouvait en écrire la légende rose, souriante et souvent avec une candeur qui frôle la mièvrerie.

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