Trois
quinquagénaires, anciens Marines, se retrouvent plus de 30 ans après
la guerre du Viet Nam. Le plus jeune d'entre eux est Larry (Steve
Carell), jolie moustache sur le visage, le pas lent quand il débarque
dans une petite ville perdue de Virginie et rentre dans un diner
presque vide où il apostrophe le patron Sal (Bryan Cranston) qui ne
le reconnaît pas. Jadis, il portait comme surnom « Doc ».
Ils picolent jusqu'au bout de la nuit, s'endorment sur les banquettes
et le lendemain matin de ce mois de décembre 2003, Larry demande à
Sal de le conduire en voiture quelque part.
La
destination est une église baptiste dans un coin encore plus perdu
où le pasteur donne une messe. Il s'appelle Richard Mueller
(Laurence Fishburne). Il a du mal à reconnaître ses anciens
comparses, mais les invite à dîner chez lui où son épouse Ruth a
préparé un délicieux repas qu'ils mangent avec un verre d'eau, ce
qui pour Sal, buveur invétéré, est un peu dur. Larry explique sa
situation : son épouse est morte en janvier et son fils Larry
Jr a été tué en Irak. Il demande à Sal et Mueller de
l'accompagner pour les funérailles de son fils.
Richard
Linklater choisit un format pépère pour Last flag flying (un
hommage à La Dernière corvée de Hal Ashby, mais je n'ai pas
encore vu le film). Pépère parce que ce sont trois quinquagénaires
rangés de leur passé respectif qui revient de temps en temps dans
les conversations, histoire de forger les personnages. L'alcoolisme
de Mueller et Sal, la prison de Larry, la patte folle de Mueller, la
mort d'un de leur camarades d'armée. Ils commencent à voyager en
voiture, puis en camionnette, enfin en train jusqu'à la banlieue
morne et banale de Boston.
Mueller
et Sal n'arrêtent pas de se disputer, chacun a un rôle bien établi
dans le voyage. Comme dans ces dessins où le personnage principal a
à sa gauche un ange et à sa droite un diable, les deux amis de
Larry sont sa bonne et sa mauvaise conscience. Sal est le
provocateur, la réplique facile, un fuck à chaque phrase, et
Mueller le porteur de bonne parole, le conciliateur, un amen
comme réponse à chaque mauvais pas de Sal. A cause des sales
blagues de ce dernier, ils se font arrêter parce qu'une dame les a
pris pour des mollahs.
Le
portrait en creux du fils décédé se dessine peu à peu avec
l'arrivée du Marine afro-américain Washington (Quinton Johnson),
témoin des derniers moments de Larry Jr. Droit comme un I,
Washington (dont on ne connaîtra jamais le prénom) est
régulièrement mis au repos par Sal. Washington est là pour
accomplir les funérailles telles que le souhaite l'armée américaine
de George W. Bush dont le représentant est le borné colonel Willits
(Yul Vasquez) qui ne veut pas laisser partir le cercueil et souhaiter
enterrer le Marine en héros.
Last
flag flying n'est pas très éloigné de Un jour dans la vie de Billy Lynn d'Ang Lee sur cette notion qu'est le héros de
guerre. Richard Linklater appuie parfois lourdement sur le
patriotisme dont s'enorgueillissent ses personnages (il faudrait
quitter la salle 10 minutes avant la fin, c'est d'ailleurs étonnant
de voir la différence entre l'affiche française et américaine)
mais réserve deux moments objectivement comiques : une
discussion hilarante sur Eminem qui passe à la radio et l'évocation
des bordels du Viet Nam ironiquement surnommés par le trio
Disneyland.
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