Si
on ne peut pas faire d'un boxeur un gentleman, on peut faire d'un
gentleman un boxeur déclare l'un des membres du club select dans le
San Francisco en 1887. Pas n'importe quel membre, il s'agit du Juge
Geary (Wallis Clark), amateur de boxe plus musclée que celle qui se
donne dans son club mondain. Il a assisté à un combat clandestin
dans un quartier populaire de la ville et s'est fait arrêté avec
deux de ses employés, Walter Lowrie (Jack Carson) et James J.
Corbett (Errol Flnn).
Ce
dernier est un Irlandais pur jus toujours prêt à se battre pour un
oui pour un non. Il a été à la bonne école. L'un des plus
amusants gags récurrents de Gentleman Jim est justement que
« les Corbett remettent ça », Jim se dispute avec ses
deux grands frères rustauds et sortent de la maison familiale pour
se donner des coups de poing dans la grange. Une famille comme aime
les dépeindre Raoul Walsh, des impulsifs au grand cœur, grands
buveurs de bière et fiers d'eux.
Jim
Corbett a sauvé la mise de son patron en racontant un joli bobard au
policier. Le Juge Geary lui en sera reconnaissant en le faisant
entrer dans son club olympique. Plus précisément, il n'a pas
vraiment pas le choix parce que Jim s'invite lui-même au club. La
visite se fait en compagnie de Vicky Ware (Alexis Smith), cliente de
la banque où travaille Corbett. Ce dernier l'accompagne jusqu'au
club pour l'escorter elle et l'argent qu'elle apporte à son père M.
Ware (Minor Watson).
L'arrivée
de Jim, pas encore gentleman, ne se fait pas vraiment avec
discrétion. Disons que Corbett en fait beaucoup pour se faire
remarquer embauchant un employé pour qu'il circule régulièrement
et faisant croire que Corbett est un homme important (« paging
Mr. Corbett »), autre gag récurrent du film. Tous les membres
du club pensent non seulement qu'il a pris la grosse tête mais qu'en
plus il faut lui rabattre le caquet, quand bien même les Ware sont
issus d'un milieu similaire.
Comme
Jim Corbett se prend, dès son arrivée au club sans avoir pris le
temps de s'entraîner, pour un boxeur, le prétendant de Vicky Ware,
le distingué et snob Carlton De Witt (John Loder) provoque un combat
pour se débarrasser enfin de cet encombrant trublion : il
s'agit de l'humilier, de lui faire ravaler son amour propre. Pas de
chance pour De Witt et ses partisans, le juge Geary, Mr. Ware et sa
fille Vicky, Jim Corbett gagne le combat avec brio.
La
réception qui suit cette victoire est le premier nœud dramatique de
Gentleman Jim. Corbett et son meilleur ami Walter paradent
lors de cette soirée, méprisés par tous les mondains. L'alcool
fait son œuvre sur Walter qui navre les dames patronnesses par son
allégresse, sa franchise et son absence de gêne. Quant à Jim, il
embrasse Vicky qui le rejette comme un malpropre « un Irlandais
des taudis doté d'un légendaire culot ». Furieux et humiliés
les deux hommes s'en vont.
Vicky
Ware est l'un des plus étonnants personnages de femme du cinéma de
Raoul Walsh. Loin des femmes sages comme les partenaires habituelles
d'Errol Flynn et terrifiées par la violence de la boxe, elle prend
au contraire du plaisir à regarder ces combats. Le ressort du film
est le rejet de Jim par Vicky, on sait pertinemment qu'ils s'aiment,
mais elle refuse de l'admettre et ce combat contre sa propre nature
est l'équivalent des combats que mène Jim contre ses adversaires
boxeurs.
Errol
Flynn porte dans ses combats un collant ou un short et se bat torse
nu, sa finesse par rapport aux costauds velus détonne. Il prend sur
le ring un soin tout particulier à ne pas se décoiffer, notamment
lors du combat contre Sullivan, l’idole de son père (Alan Hale).
En ville, il met un point d'honneur à s'habiller avec un chic
exquis, il mange avec une cravate chez lui sous les moqueries de ses
frangins et il porte à merveille le costume nœud papillon.
Ces
combats dans Gentleman Jim sont au nombre de trois dans un
crescendo dramatique, d'abord un tocard, puis un champion local enfin
un champion du monde, John L. Sullivan (Ward Bond, génial en star du
ring). Raoul Walsh filme ces trois combats à l'intérieur du ring,
caméra subjective pour les coups reçus, plans en plongée sur le
stade, plans sur les spectateurs, un montage alterné pour ménager
le vrai suspense du film : Vicky va-t-elle enfin applaudir Jim ?
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