Dans
Ed Wood, Tim Burton faisait dire à Bela Lugosi au sujet de
Boris Karloff ; « tu penses qu'il faut du talent pour
jouer Frankenstein ? C'est qu'une question de maquillage et de
grognements ». Il faut cependant attendre 30 minutes (sur 67
minutes de film) pour voir enfin le maquillage du visage du monstre
créé par Frankenstein et entendre les grognements de Boris Karloff.
C'est vrai que l'acteur n'aura pas une seule ligne de dialogue.
Pour
ménager le suspense de Frankenstein, James Whale ajoute deux
éléments en tout début de son film. Juste avant le générique, un
homme, délégué par le producteur d'Universal Carl Laemmle, annonce
aux spectateurs qu'ils risquent d'être pris d'effroi. Puis dans ce
générique, un point d'interrogation remplace le nom de Boris
Karloff. Une manière de faire croire que l'acteur sera tout à fait
méconnaissable.
Ce
personnage sans parole renvoie au cinéma muet et au Nosferatu
de Murnau. Lors de sa première apparition quand son créateur Henry
Frankenstein (Colin Clive) l'appelle pour le présenter à son
collègue, le monstre est filmé debout en légère contre-plongée,
il est de dos dans le pas d'une porte avant de s'avancer avec ses
immenses bras et ses gigantesques mains, il avance avec lenteur. La
ressemblance est frappante et volontaire avec le vampire des
Carpates.
L'esprit
gothique est constant dans Frankenstein dès ses premiers
plans dans ce cimetière où Frankenstein et Fritz son nain bossu
(Dwight Frye), son esclave dans ses œuvres, repèrent un cadavre
fraîchement enterré. Fritz devra ensuite voler un cerveau sain mais
par peur d'un squelette suspendu, il laisse tomber le bocal et ramène
au laboratoire, situé dans un château typiquement expressionniste,
de son maître un cerveau d'un homme criminel.
Les
expériences inquiètent Elizabeth (Mae Clarke) la fiancée de
Frankenstein et son meilleur ami Victor Moritz (John Boles). Mais ce
qui leur fait encore plus de soucis est que le savant ne s'intéresse
plus au mariage qui doit avoir lieu le lendemain. Frankenstein n'a
d'intérêt que pour cet homme qu'il crée pour lui, James Whale
instaure un sous-texte discret appuyé par le dialogue entre
Elizabeth et son futur beau-père qui pense que Henry a une liaison.
Il
est ainsi logique que dans la dernière partie tout le village comme
Elizabeth et Frankenstein veuillent exterminer ce corps en trop
qu'ils ne veulent pas comprendre et admettre dans leur communauté.
Seule la petite fille rencontrée au bord d'un lac accepte le monstre
comme un ami. Dans cette société où la meute fait sa loi, tout
doit rentrer dans l'ordre. Le monstre doit être détruit (dans un
incendie) et le créateur doit se marier pour guérir son chagrin.
Mais
au-delà de ce sous-texte, le film souffre du jeu terriblement
poussif de la plupart des acteurs, en tout premier lieu de Colin
Clive qui hurle ses répliques, y compris le très fameux « it's
alive, it's alive » quand enfin sa créature prend vie dans son
laboratoire, le tout avec des yeux exorbités et des grimaces, encore
une tendance du cinéaste à développer l'expressionnisme allemand.
C'est peu de dire que je préfère La Fiancée de Frankenstein
à ce simple Frankenstein.
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