mardi 23 janvier 2018

Frankenstein (James Whale, 1931)


Dans Ed Wood, Tim Burton faisait dire à Bela Lugosi au sujet de Boris Karloff ; « tu penses qu'il faut du talent pour jouer Frankenstein ? C'est qu'une question de maquillage et de grognements ». Il faut cependant attendre 30 minutes (sur 67 minutes de film) pour voir enfin le maquillage du visage du monstre créé par Frankenstein et entendre les grognements de Boris Karloff. C'est vrai que l'acteur n'aura pas une seule ligne de dialogue.

Pour ménager le suspense de Frankenstein, James Whale ajoute deux éléments en tout début de son film. Juste avant le générique, un homme, délégué par le producteur d'Universal Carl Laemmle, annonce aux spectateurs qu'ils risquent d'être pris d'effroi. Puis dans ce générique, un point d'interrogation remplace le nom de Boris Karloff. Une manière de faire croire que l'acteur sera tout à fait méconnaissable.

Ce personnage sans parole renvoie au cinéma muet et au Nosferatu de Murnau. Lors de sa première apparition quand son créateur Henry Frankenstein (Colin Clive) l'appelle pour le présenter à son collègue, le monstre est filmé debout en légère contre-plongée, il est de dos dans le pas d'une porte avant de s'avancer avec ses immenses bras et ses gigantesques mains, il avance avec lenteur. La ressemblance est frappante et volontaire avec le vampire des Carpates.

L'esprit gothique est constant dans Frankenstein dès ses premiers plans dans ce cimetière où Frankenstein et Fritz son nain bossu (Dwight Frye), son esclave dans ses œuvres, repèrent un cadavre fraîchement enterré. Fritz devra ensuite voler un cerveau sain mais par peur d'un squelette suspendu, il laisse tomber le bocal et ramène au laboratoire, situé dans un château typiquement expressionniste, de son maître un cerveau d'un homme criminel.

Les expériences inquiètent Elizabeth (Mae Clarke) la fiancée de Frankenstein et son meilleur ami Victor Moritz (John Boles). Mais ce qui leur fait encore plus de soucis est que le savant ne s'intéresse plus au mariage qui doit avoir lieu le lendemain. Frankenstein n'a d'intérêt que pour cet homme qu'il crée pour lui, James Whale instaure un sous-texte discret appuyé par le dialogue entre Elizabeth et son futur beau-père qui pense que Henry a une liaison.

Il est ainsi logique que dans la dernière partie tout le village comme Elizabeth et Frankenstein veuillent exterminer ce corps en trop qu'ils ne veulent pas comprendre et admettre dans leur communauté. Seule la petite fille rencontrée au bord d'un lac accepte le monstre comme un ami. Dans cette société où la meute fait sa loi, tout doit rentrer dans l'ordre. Le monstre doit être détruit (dans un incendie) et le créateur doit se marier pour guérir son chagrin.


Mais au-delà de ce sous-texte, le film souffre du jeu terriblement poussif de la plupart des acteurs, en tout premier lieu de Colin Clive qui hurle ses répliques, y compris le très fameux « it's alive, it's alive » quand enfin sa créature prend vie dans son laboratoire, le tout avec des yeux exorbités et des grimaces, encore une tendance du cinéaste à développer l'expressionnisme allemand. C'est peu de dire que je préfère La Fiancée de Frankenstein à ce simple Frankenstein.



















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