Certains
voisins trient leurs ordures, d'autres non. Ainsi Beverly Sutphin
(Kathleen Turner) adore trier ses déchets, carton, papier, verre,
plastic. Les deux éboueurs qui passent chaque matin la vénèrent
pour cela et détestent l'autre voisine Rosemary (Mary Jo Catlett)
incapable de mettre les déchets dans les bonnes poubelles. John
Waters, surnommé « le prince du mauvais goût »,
commence logiquement Serial mother par l'arrivée d'un camion
poubelle dans ce charmant lotissement bien tranquille de Baltimore.
Le
petit déjeuner de la famille Sutphin est servie par Beverly. Autour
de la table son époux Eugene (Sam Waterston), dentiste, l'air un peu
couillon, le fils aîné Chip (Matthew Lillard) fan de cinéma
d'horreur, gérant d'un vidéo-club et la fille cadette Misty (Ricky
Lake, elle était l'actrice principale de Hairspray) fan de
brocante. On lit le journal, on discute, on se taquine gentiment.
Maman saisit la tapette accrochée au frigo et, tandis que tout le
monde déjeune, va écraser une mouche qui volait au dessus des
tartines et du beurre.
Voici
le premier meurtre de Bervely. Elle ne supporte pas qu'on lui tienne
tête. Misty est très obéissante, elle jette son chewing-gum à la
demande de sa mère qui haït ça, elle fait bien. Beverly a la
rancune tenace. C'est elle qui envoie des lettres anonymes d'insultes
à sa voisine Dottie (Mink Stole) parce que cette dernière lui avait
piqué une place de parking. Il n'en faut pas plus à Beverly pour
enclencher sa terrible vengeance. Ce jour-là, un certain 14 mai
1993, elle téléphone à Dottie et la couvre d'injures en masquant
sa voix.
La
police a sonné le matin-même à la la porte des Sutphin, deux
inspecteurs enquêtent sur ces lettres. Evidemment Beverly est
innocente, elle qui range si bien ses déchets contrairement à
d'autres voisines dit-elle, qui met toujours sa ceinture de sécurité
contrairement à Scotty (Justin Whalin) un ami de Chip ajoute-t-elle
et qui sourit avec un merveilleux aplomb et parle si poliment. Mais
le reste de la famille en profite pour déguerpir, pour ne pas
répondre aux questions, ils savent bien comment est Beverly.
En
quelques jours, Beverly va commettre une série de meurtres, décidant
de se rendre justice ainsi qu'aux membres de sa famille. Lors de la
réunion parents-profs, le prof de maths de Chip dit du mal de ce
dernier, hop, Beverly l'écrase avec sa voiture, le flirt de Misty se
promène avec une autre fille, elle l'éventre avec un tison, un
patient aux dents cariées mange un gros gâteau, elle l'écrase avec
la climatisation. Les deux flics continuent leur investigation avec
une certitude, Beverly Sutphin est pour quelque chose dans ces morts
violentes.
John
Waters accomplit dans Serial mother le grand écart entre
l'absence totale de moral et l'amour absolu pour cette absence de
moral. Kathleen Turner est un choix délicieux pour cette mère de
famille détraquée, elle passe en un seul plan du sourire le plus
compatissant au regard furibard d'une harpie déchaînée. Plus elle
fait des horreurs, plus elle est drôle, plus on l'aime, le
spectateur complice de ses crimes comme le public quand il découvrira
que cette mère de famille serviable et aimable est horrible.
L'une
des questions des flics, comme de la bonne communauté qui se
retrouve le dimanche à l'église, est de savoir pourquoi Beverly est
devenue ainsi un serial killeuse. John waters ne s'embarrasse par de
psychologie de bas-étage, les personnages agissent toujours en
contradiction avec ce qui se vit. Par exemple, Beverly vient de se
faire arrêter après la messe, sa fille Misty prend une pose sexy
pour se laisser prendre en photo par un reporter. Toujours être
droit dans ses postures pour ne pas être décalé.
Tout
le monde est méchant avec les Sutphin. « C'est l'influence de
ces films familiaux » déclare Chip à sa petite amie. Ce grand
fan de films d'horreur comprend sa mère, sa cliente veut regarder
l'atroce Annie de John Huston quand lui se délecte de
Massacre à la tronçonneuse ou Blood feast. Scotty
regarde le si bien nommé Mammell's story en se masturbant.
John waters lance des références discrètes et amusantes au
spectateur, à lui de les repérer (ce trou de voyeur dans les
toilettes comme un hommage à Pyschose).
Comme
il se doit, la dernière partie de Serial mother est le procès
de Beverly. C'est je crois le meilleur moment du film et peut-être
aussi du cinéma de John Waters. Cette fois, c'est l'emballement
médiatique qui en prend pour son grade. Entre l'arrivée de Suzanne
Somers en fourrure pour jouer Beverly à Hollywood, la vente de
goodies aux portes du palais de justice et le star system qui atteint
la famille, le procès est magnifiquement caustique et Kathleen
Turner tenait là son plus grand rôle.
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