mardi 16 janvier 2018

Serial mother (John Waters, 1993)

Certains voisins trient leurs ordures, d'autres non. Ainsi Beverly Sutphin (Kathleen Turner) adore trier ses déchets, carton, papier, verre, plastic. Les deux éboueurs qui passent chaque matin la vénèrent pour cela et détestent l'autre voisine Rosemary (Mary Jo Catlett) incapable de mettre les déchets dans les bonnes poubelles. John Waters, surnommé « le prince du mauvais goût », commence logiquement Serial mother par l'arrivée d'un camion poubelle dans ce charmant lotissement bien tranquille de Baltimore.

Le petit déjeuner de la famille Sutphin est servie par Beverly. Autour de la table son époux Eugene (Sam Waterston), dentiste, l'air un peu couillon, le fils aîné Chip (Matthew Lillard) fan de cinéma d'horreur, gérant d'un vidéo-club et la fille cadette Misty (Ricky Lake, elle était l'actrice principale de Hairspray) fan de brocante. On lit le journal, on discute, on se taquine gentiment. Maman saisit la tapette accrochée au frigo et, tandis que tout le monde déjeune, va écraser une mouche qui volait au dessus des tartines et du beurre.

Voici le premier meurtre de Bervely. Elle ne supporte pas qu'on lui tienne tête. Misty est très obéissante, elle jette son chewing-gum à la demande de sa mère qui haït ça, elle fait bien. Beverly a la rancune tenace. C'est elle qui envoie des lettres anonymes d'insultes à sa voisine Dottie (Mink Stole) parce que cette dernière lui avait piqué une place de parking. Il n'en faut pas plus à Beverly pour enclencher sa terrible vengeance. Ce jour-là, un certain 14 mai 1993, elle téléphone à Dottie et la couvre d'injures en masquant sa voix.

La police a sonné le matin-même à la la porte des Sutphin, deux inspecteurs enquêtent sur ces lettres. Evidemment Beverly est innocente, elle qui range si bien ses déchets contrairement à d'autres voisines dit-elle, qui met toujours sa ceinture de sécurité contrairement à Scotty (Justin Whalin) un ami de Chip ajoute-t-elle et qui sourit avec un merveilleux aplomb et parle si poliment. Mais le reste de la famille en profite pour déguerpir, pour ne pas répondre aux questions, ils savent bien comment est Beverly.

En quelques jours, Beverly va commettre une série de meurtres, décidant de se rendre justice ainsi qu'aux membres de sa famille. Lors de la réunion parents-profs, le prof de maths de Chip dit du mal de ce dernier, hop, Beverly l'écrase avec sa voiture, le flirt de Misty se promène avec une autre fille, elle l'éventre avec un tison, un patient aux dents cariées mange un gros gâteau, elle l'écrase avec la climatisation. Les deux flics continuent leur investigation avec une certitude, Beverly Sutphin est pour quelque chose dans ces morts violentes.

John Waters accomplit dans Serial mother le grand écart entre l'absence totale de moral et l'amour absolu pour cette absence de moral. Kathleen Turner est un choix délicieux pour cette mère de famille détraquée, elle passe en un seul plan du sourire le plus compatissant au regard furibard d'une harpie déchaînée. Plus elle fait des horreurs, plus elle est drôle, plus on l'aime, le spectateur complice de ses crimes comme le public quand il découvrira que cette mère de famille serviable et aimable est horrible.

L'une des questions des flics, comme de la bonne communauté qui se retrouve le dimanche à l'église, est de savoir pourquoi Beverly est devenue ainsi un serial killeuse. John waters ne s'embarrasse par de psychologie de bas-étage, les personnages agissent toujours en contradiction avec ce qui se vit. Par exemple, Beverly vient de se faire arrêter après la messe, sa fille Misty prend une pose sexy pour se laisser prendre en photo par un reporter. Toujours être droit dans ses postures pour ne pas être décalé.

Tout le monde est méchant avec les Sutphin. « C'est l'influence de ces films familiaux » déclare Chip à sa petite amie. Ce grand fan de films d'horreur comprend sa mère, sa cliente veut regarder l'atroce Annie de John Huston quand lui se délecte de Massacre à la tronçonneuse ou Blood feast. Scotty regarde le si bien nommé Mammell's story en se masturbant. John waters lance des références discrètes et amusantes au spectateur, à lui de les repérer (ce trou de voyeur dans les toilettes comme un hommage à Pyschose).


Comme il se doit, la dernière partie de Serial mother est le procès de Beverly. C'est je crois le meilleur moment du film et peut-être aussi du cinéma de John Waters. Cette fois, c'est l'emballement médiatique qui en prend pour son grade. Entre l'arrivée de Suzanne Somers en fourrure pour jouer Beverly à Hollywood, la vente de goodies aux portes du palais de justice et le star system qui atteint la famille, le procès est magnifiquement caustique et Kathleen Turner tenait là son plus grand rôle.























Aucun commentaire: