vendredi 28 décembre 2018

Y a-t-il un pilote dans l'avion ? (Jim Abrahams, David Zucker & Jerry Zucker, 1980)

A l'image, un hall de aéroport comme n'importe quel aéroport avec ses voyageurs qui vont et viennent, débarquent et embarquent, au son le brouhaha habituel de ce genre de lieu très peuplé mais surtout le classique message d'annonce au haut parleur. Des voix neutres et aseptisées à l'élocution parfaite, des voix qui la plupart du temps sont là pour meubler, le spectateur dans un film n'y prête pas attention tant elles n'apportent rien. Le trio de cinéastes imaginent que ces deux voix, un homme et une femme seraient un couple en train de se disputer, de s'écharper à l'entendu de tous – et personne ne réagit – mais sur ce ton d'annonce publique.

C'est dans ce dérèglement qu'une partie du comique des ZAZ se déployait pour la première fois. À l'origine, cette parodie de film catastrophe ne devait être qu'un sketch de la suite de Hamburger film sandwich sorti trois ans plus tôt, film à sketches écrit par le trio. Le trio a résisté et a écrit un pastiche qui commence et se termine dans un aéroport. Entre les deux, contrairement à la position de ce client qui grimpe dans un taxi qui ne démarrera jamais, l'avion subit quelques avanies, mais en vérité, ce n'est pas cela l'important, Y a-t-il un pilote dans l'avion ne joue jamais sur ce suspense fallacieux, on sait que tout le monde va s'en sortir.

Même la raison pour laquelle le film catastrophe s'enclenche est ridicule. Une indigestion. Les pilotes sont malades. Avant de l'être, Peter Graves, sorti de ses épisodes de Mission Impossible campe, avec un sérieux olympien, toujours ce même ton neutre et aseptisé, un pervers sexuel d'une joyeuse lubricité. Les répliques qu'il sert à un gamin « tu aimes les films de gladiateurs ? » ou « tu as déjà vu un homme tout nu ? » et pour finir « as-tu déjà été dans une prison turque ? ». L'aspect scabreux des questions est contredit par le ton du pilote d'un naturel inébranlable, comme si ce qu'il sortait était banal.

Peter Graves adopte une voix rassurante et sérieuse de l'homme qui contrôle tout, disons celle de Burt Lancaster ou Charlton Heston qui avait été le pilote des Airport les films que parodient les ZAZ. Le titre original, moins chaloupé que le français, est Airplane !, avec un point d'exclamation pour indiquer clairement la parodie et le pastiche. Ce qui ne fonctionne en français et s'avère fastidieux est la longue scène entre les noms des pilotes, Oveur (Peter Graves) et Roger (Kareem Abdul-Jabbar), ce qui dans le jargon de l'aviation a du sens. La blague qui brise la quatrième mur avec ce même gamin qui affirme de Kareem est un basketteur et non un pilote est plus amusante.

Embaucher des acteurs tels Peter Graves, Lloyd Bridges, Leslie Nielsen et Robert Stack c'est pour le trio de cinéastes faire dire à de solides dramaturges les pires horreurs sur un ton sérieux. Ils s'éloignent ainsi des canons parodiques établis par Mel Brooks dans les années 1970 qui utilisait des comiques pour ses parodies (horreur, western, comédie musicale puis ses films à sketches balourds). A leur côté deux jeunes, l'hôtesse de l'air (Julie Hagerty) et son ancien fiancé (Robert Hayes), un pilote de l'armée traumatisé par la guerre. A eux deux, ils vont sauver l'avion.

Les disputes conjugales comme celle des voix des aéroports sont le ciment de ce comique, disputes entre l'image et le son. Montrer une chose et entendre son contraire. Dans l'aéroport où se réunit l'équipe de choc pour sauver l'avion, on donne des instructions très sérieuses mais dans le cockpit, ces instructions sont immanquablement rendues ridicules, l'exemple le plus frappant est le pilote automatique, poupée gonflable au costume de pilote, le « Otto » prend littéralement les commandes et se conduit comme un humain, jusqu'à coucher avec l'hôtesse de l'air, confuse qu'elle est dans sa relation avec son ancien fiancé.

Par quelle guerre il a été traumatisé, le film ne le dit pas puisque les cinéastes cherchent à dater le moins possible leur film – c'est sans doute pour cela qu'il est encore amusant aujourd'hui – ou plus précisément ils l'accrochent aux années 1940. Seconde guerre mondiale plutôt Vietnam, en tout cas, deux scènes de From here to eternity de Fred Zinneman est parodiée, celle de la plage (Burt Lancaster) et celle de la bagarre (Ernest Borgnine et Frank Sinatra). Chaque fois ça part vers le burlesque, la mer devient trop violente dans le premier cas, la chanson de La Fièvre du samedi soir dans le deuxième, concession à un succès récent.


Le scénario n'a pas vraiment d'importance, il reprendre à peine des scènes de films célèbres (en ouverture un pastiche des Dents de la mer, la mer de nuages et l'avion devenu un requin). Les meilleurs gags sont ceux où l'absurde pur organise le défouloir comique. Prenons celui où une passagère panique, une hôtesse vient la secouer, le médecin lui donne une petite claque puis tous les passagers viennent la frapper avec avec une violence croissante. C'est ce grand écart entre la fiction et ce que peut supporter comme exagération qui est le sel du comique parodique, et les ZAZ excellent dans cet écart.
























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