mardi 4 décembre 2018

Intervista (Federico Fellini, 1987)

Des Japonais, caméra de télévision sur l'épaule, viennent filmer un tournage de Federico Fellini à Cinecittà, il veut tourner une adaptation de L'Amérique de Kafka. C'est cette intervista, cette interview, dans une mise en abyme sans fin et vertigineuse, du cinéma de Federico Fellini, le vrai est faux et le faux est vrai. La lune est remplacée par de puissants projecteurs montés sur un échafaudage tandis que le fidèle assistant du maestro Maurizio Mein hurle ses ordres dans un mégaphone et que Fellini resté sur le plancher des vaches lui répond avec un deuxième mégaphone. Il est le chef d'orchestre de son univers.

Ce prologue marque l'entrée des souvenirs de la vie professionnelle du cinéaste – qui joue pour une fois son propre rôle – alors que Amarcord donnait des souvenirs de la jeunesse de Fellini et que 8 ½ était consacré à son délire créatif. Intervista donne la méthode de mise en scène tout en indiquant comment tout cela a commencé. Pour jouer Federico jeune, alors reporter pour un magazine de cinéma en 1940, c'est Sergio Rubini qui donne sa jeunesse et son corps à Federico Fellini, c'est le premier long retour dans l'histoire de Intervista, un voyage en tramway à travers Cinecittà, un travelling avant arrière.

Un éléphant de carton-pâte, une star qui veut bien répondre à l'interview de ce reporter mais n'est pas sûr que ce soit utile, une impresario qui donne les réponses à Sergio car elle veut être certaine que les journalistes ne changent pas les mots et un officier mussolinien joué par un acteur qui lit l'Unita, le journal du PCI, qui vient faire une visite dans les fameux studios. C'est un flash-back de cette veine fellinienne de reconstitution des grands décors mais tout en semblant entretenir un lien avec ces années 1980 (La Cité des femmes, Et vogue le navire), le monde du spectacle fantasmé dans un chaos organisé.

Dans ce passage en tramway, on découvrait des Indiens, comme dans un western (Fellini n'en a jamais tourné), ils reviennent en fin de film attaquer l'équipe de tournage, les antennes télé ont remplacé les arcs et les flèches. Le message est très limpide, la télévision est en train de prendre la place du cinéma. De la même manière, tout le monde rêve de faire du cinéma, le casting en milieu de film entre les deux grandes séquences montre cette recherche de la gloire éphémère et de l'argent immédiat plutôt que de la pratique artistique, ces fameuses gueules felliniennes que réclame la jeune japonaise.

Même Marcello Mastroianni est obligé de faire de la publicité. Déguisé en Mandrake, il tourne juste à côté du bureau de Fellini. Il apparaît comme un magicien dans un beau costume noir, chapeau claque, baguette à la main, les yeux cernés de noir, il débarque sur un monte-charge, la magie du cinéma, entouré d'un voile et des ballons gonflables. Le pauvre Mastroianni, des dizaines de films derrière lui, est obligé de faire des pubs pour vivre, telle est la situation du cinéma italien dans les années Berlusconi. Marcello Mastroianni avait jouait dans 8 ½ le double de Fellini, aujourd'hui, le cinéaste a choisi un autre acteur.


Fellini lui présente son jeune double et l'embarque dans sa Mercedes pour une virée à la campagne. La plus belle séquence d'Intervista commence, c'est la visite à Anita Ekberg, 26 ans après La Dolce vita dans sa maison de campagne.Dans une serviette éponge qui enveloppe son corps de 1987, elle accueille tout se beau monde et Mandrake sort de sa baguette un écran de cinéma et il se joue la scène de la fontaine de Trevi. Les larmes d'Anita, le petit sourire de Marcello, un verre de liqueur et tout ce beau monde, Federico, Sergio, Maurizio et les Japonais sont spectateurs de ces retrouvailles. C'est ça la magie du cinéma !





























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