lundi 3 décembre 2018

Soft and hard (Jean-Luc Godard & Anne-Marie Miéville, 1985)


Pour avoir une petite idée de la manière dont Jean-Luc Godard conçoit ses fameuses formules qui scandent ses films (ce qu'il appelait non sans dérision « les dernières leçons du donneur » dans le N°300 des Cahiers du cinéma dont il avait la charge), il faut jeter un coup d’œil aux 30 dernières minutes de Soft and hard. Assis de dos dans un canapé, faisant face à Anne-Marie Miéville, il lance ses phrases, ses formules, ses propos péremptoires, ses jeux de mots, ses anagrammes, ses charades, ses calembours. Sa compagne les commente, les annote, les valide ou non.

Ce travail d'un couple de cinéastes au travail s'était jusqu'alors développé dans plusieurs projets communs, Ici et ailleurs, les trois programmes télévisuels de la fin des années 1970 (Numéro deux, Sur et sous la communication, France Tour Détour Deux Enfants). Dans cette décennie suisse, Soft and hard s'ancre dans ses 50 minutes vidéo qui ponctuent chaque long-métrage de cinéma (Scénario du film Sauve qui peut la vie, Scénario du film Passion, Petites notes à propos de Je vous salue Marie), ce dernier film marque la collaboration la plus forte entre le couple.

Soft and hard peut ainsi être vu comme le travail préparatoire des deux prochains film de Jean-Luc Godard, King Lear (tourné en 1986 avec Woody Allen, Peter Sellars et Leos Carax, sorti en 2002) et Soigne ta droite, tous deux largement improvisés. Mais il est aussi une critique de Détective. Anne-Marie Miéville trouve que les dialogues de couple entre Nathalie Baye et Claude Brasseur manquent de naturel et de force. Godard, un peu gêné par cette critique, répond comme un enfant le ferait à son institutrice, que ce n'est pas de sa faute, que c'est la faute à Nathalie.


Dans cette vision de l'intimité du couple, tout entière tournée dans leur appartement de Rolle, Anne-Marie prépare un bouquet de fleurs, elle travaille sur sa bobineuse, elle regarde Le Mépris à la télé. Jean-Luc lui s'allonge en peignoir dans le lit, débarque en bermuda dans le salon et esquisse quelques mouvements de tennis, il s'installe dans son bureau pour regarder du foot. Ce film vidéo de 48 minutes est volontiers nonchalant, un peu paresseux comme s'il faisait une bonne blague à ses producteurs, la chaîne de télé anglaise Channel 4.
















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