jeudi 20 décembre 2018

Les Bidasses en folie (Claude Zidi, 1971)

Parfois quand je flâne dans un magasin de DVD ou dans une bibliothèque municipale, des films me font de l’œil « regarde nous, regarde nous » disent-ils tant que je les ai pas dans les mains. J'hésite longtemps, je reviens vers eux, ils me font signe à nouveau, c'est du flirt à n'en plus finir jusqu'à ce que je craque. Cette fois c'est un coffret des Charlots qui m'aguiche scandaleusement. Evidemment, compte tenu de ma passion pour la comédie française et comme pour les films comiques, je cède à la tentation.

Première étape (sur neuf), un Claude Zidi, sobrement intitulé Les Bidasses en folie. Le cinéma comique, en tout cas en France – mais aussi à Hong Kong – est une affaire de génération. Chaque décennie engendre son comique de cinéma (la nôtre c'est Kev Adams, la précédente c'était Michael Youn), qui la décennie suivante est oublié non sans s'être posé la question simple : comment ont-ils fait pour aimer ça ? Les Charlots dans les années 1970 ont cueilli plus de 25 millions de spectateurs en France. Alors pourquoi ?

L'idée de groupe comique n'est pas nouvelle, les années 1960 l'ont souvent expérimenté, d'un côté Louis de Funès dans la série du Gendarme de Saint-Tropez (avec Jean Lefebvre, Michel Galabru, Grosso et Modo, Christian Marin) débutée en 1964, de l'autre les Branquignols (Robert Dhéry et Colette Brosset avec comme tête de gondole La Belle américaine en 1961). Les Charlots dans Les Bidasses en folie sont cinq, Luis Régo, Gérard Rinaldi, Gérard Filipelli (dit Phil), Jean-Guy Fechner et Jean Sarrus.

Avant d'être bidasses, ils rêvent d'être musiciens, de faire de la « pop music ». Surtout pas du rock. Les premières scènes du film sont effectivement très pop, très colorées, très vives, chaque membre va en chercher un autre chez lui ou à son boulot, ils enfilent leur plus belle tenue aux couleurs criardes et débarquent avec leur instrument au beau milieu de nulle part. Il s'agit ici de construire une utopie où les cinq jeunes hommes s'inventent une nouvelle vie faire de bric et de broc dans un champ appartenant à l'oncle de Phil.

C'est presque un credo anarchiste qui se dessine totalement éloignée de l'ordre établi et hiérarchisé des gendarmes de Louis de Funès comme de la vie laborieuse dans les lotissements et les immeubles. Claude Zidi présente cinq échalas qui refusent la vie classique et, tel le joueur de flûte de Hamelin, il embarquent dans cette idée une ribambelle de gamins, tout à la fois à l'image et dans les salles de cinéma. L'esprit est celui de la communauté, cela passe par la destruction des conventions et donc par le burlesque infantile.

Pour adoucir ce burlesque destructif, la femme arrive. Elle est incarnée par Marion Game (que l'on connaît désormais surtout pour son rôle de mémé indigne dans la série télé Scènes de ménage en duo avec Gérard Hernandez), son personnage s'appelle Crème, ce qui indique bien la dose de douceur qu'elle doit apporter au groupe. Les cinq garçons la draguent éhontément, mais sa préférence va à Gérard qui passe toujours la voir le lundi à sa boutique d'instruments de musique, or le lundi elle est fermée.

Les cinq gars, sur ses judicieux conseils, tentent quelques boulots notamment éboueurs. Gérard conduit le camion poubelle en fumant avec un port-cigarette, des lunettes noires et en blouson de cuir, comme s'il sortait de boîte de nuit. C'est dans ces circonstance qu'il croise pour la première fois le colonel qu'incarne Jacques Dufilho. Il est déversé dans sa jeep de fonction le contenu de plusieurs poubelles. La troupe ne sait pas encore qu'ils vont se retrouver à la caserne car les cinq jeunes gens vont devoir faire leur service militaire.

Ils ne deviennent bidasses qu'en milieu de film transformant le burlesque en comique troupier. Leur ennemi est le sergent Bellec campé par le chauve Jacques Seiler. Dans cette moitié du film, tous les poncifs du comique troupier sont déployés, avec cependant quelques gags qui font mouche (un signe Peace & Love sur la paume de la main droite de Jean Sarrus quand il doit faire le salut militaire, et sur sa paume gauche il est écrit merde). Le comique joue sur l'indiscipline et la désobéissance, éventuel sursaut post soixante-huitard en pleine gloire de la présidence Pompidou.


Cependant c'est le personnage de Jacques Dufilho qui s'avère le plus drôle dans sa posture constamment douce face aux Charlots avec sa réplique récurrente « je vous ai déjà vu » sans se rappeler où et quand. Ce colonel fait preuve d'une inquiétante étrangeté dans son calme olympien, ces facéties langagières, sa gestuelle élégante et cette manière désinvolte de traiter son secrétaire, le prénommé Olivier, sympathique barbu, autant dire un hippie, que le colonel aimerait remplacer par Gérard en fin de film.






















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