mercredi 7 septembre 2016

Le Petit garçon (Nagisa Oshima, 1969)

Pour gagner de l’argent, la famille du Petit garçon fait des escroqueries à l’accident de voiture. La mère (Akiko Koyama, l’épouse de Nagisa Oshima) est sur le côté gauche de la rue, une voiture arrive, elle s’approche vite, tombe simulant avoir été renversée. Le petit garçon (Tetsuo Abe) se met alors à pleurer devant le conducteur du véhicule d’avoir tué sa maman. Puis, le père (Fumio Watanabe) arrive avec le petit frère (Tsuyoshi Kinoshita) dans les bras pour crier au scandale. Pour éviter de se confronter à la police, le chauffeur accepte de donner quelques dizaines de milliers de yens à la famille. Ils choisissent des rues peu passantes, histoire qu’aucun témoin ne soit présent et que la personne escroquée ne puisse pas refuser le chantage. Voici le mode de vie de cette famille dont on ne connaîtra jamais le nom.

Après chacun des coups, la famille quitte la ville pour un nouveau lieu. Ils se déplacent en car, en train. Ils ne mangent que dans des restaurants et dorment dans des hôtels bons marché. Ils vivent en nomades mais la mère aimerait pouvoir s’établir un jour, donner aux deux enfants une vie plus simple et moins mouvementée. Le père aimerait que le petit garçon commence à travailler. C'est-à-dire à simuler lui aussi des accidents. Ainsi un jour au restaurant, il lui donne un bol plus copieux. Pour mieux convaincre le chauffeur et le médecin, au cas où, le père crée au petit garçon des hématomes en le piquant avec une seringue. Le père, qui refuse de travailler, fait alors un chantage émotionnel à l’enfant qui se lance sur les capots des automobiles. Et il ramènera de l’argent.

Marginale, la famille l’est. Le petit garçon l’est encore plus puisqu’il ne va pas à l’école. Il porte pourtant l’uniforme des écoliers, ce sera d’ailleurs son unique tenue pendant tout le film. Un jour, il trouve une casquette orange et décide de la porter. Il ne connaît pas d’autres enfants et son petit frère ne parle pas encore. Quand il rencontre un jour des écoliers, il se fait violemment molester et l’un d’eux jette sa belle casquette dans la boue. Alors le petit garçon rêve de s’enfuir. Il prend le train tout seul, il n’a que 1000 yens, choisit une destination au hasard et arrive à la mer, l’ultime frontière du Japon. Là, abandonnant provisoirement les superbes couleurs de son cinémascope, Nagisa Oshima filme en noir et blanc cette scène où le petit garçon imagine qu’il rencontre sa grand-mère. L’enfant est dans un désespoir profond.

Cette escroquerie fonctionne parce que la famille joue sur les mœurs des Japonais, sur la peur qu’ils éprouvent à l’arrivée d’un policier et la coutume de servilité de l’ordre établi : on ne proteste pas devant quelqu’un qui parle plus fort. En ce sens, la famille est marginale mais profite de la culture japonaise. Le père et la mère sont à la fois victimes et bourreaux, mais la première victime ce sont les enfants. C’est le point de vue du petit garçon qu’adopte Nagisa Oshima, moquant avec humour l’attitude des deux parents. Le jeu de Fumio Watanabe et Akiko Koyama, avec ses lunettes qui lui mangent le visage, est remarquable, car malgré leur égoïsme et leur vénalité, le cinéaste ne les accable pas. Ils sont seulement ridicules et ce ridicule fait parfois sourire.

La situation se complique quand la mère tombe enceinte. Le père veut qu’elle avorte. Elle gardera l’argent. Au sein de la famille, l’escroquerie continue. Et c’est le début de la fin. Un conducteur comprend qu’il s’est fait escroqué. La famille est prise en photo. Il faut fuir et la seule région du Japon où ils ne sont jamais encore allés est le nord. Il neige, il fait froid. C’est l’ultime accident qui se soldera tragiquement. Il ne reste au petit garçon qu’à s’imaginer un monde où il attendra une extraterrestre de la nébuleuse d’Andromède pour le libérer de cette situation. L’extraterrestre ne viendra jamais le sauver. La neige à n’en plus finir oblitérant l’horizon symbolise l’absence d’avenir que seule l’arrivée de la police venue arrêter la famille permettra au petit garçon d’enfin verser une larme rédemptrice. La seule larme de ce superbe film qu’est Le Petit garçon.



















Aucun commentaire: