jeudi 22 septembre 2016

Juste la fin du monde (Xavier Dolan, 2016)

Juste au moment où toute la presse se déchire sur Juste la fin du monde qui a subi une vraie bronca à Cannes, un véritable pyscho-drame, tout le monde est tombé sur Xavier Dolan qui s'est senti obligé de critiquer les critiques qui lui a rétorqué en le traitant d'ingrat et d'enfant gâté, et voilà donc, juste à ce moment, j'aime bien son nouveau film, alors que franchement, jusque là, j'ai toujours eu un peu de mal avec ses films (oui, même Mommy et son insupportable adolescent histrion).

On passe donc du québécois le plus trivial (les films étaient sous-titrés en français) et d'un milieu très populaire (Mommy et sa mère endettée et inconséquente, Tom à la ferme et ses bouseux inquiétants) à Louis (Gaspard Ulliel) joli gars qui se déplace en avion (la photo de l'affiche est prise dans ces scènes) qui passe de la grande ville (la civilisation) à la petite ville (la sauvagerie de sa famille) après 12 ans d'absence.

La famille qu'il a quitté : la mère Martine (Nathalie Baye) coupe à la Louise Brooks, yeux maquillés avec outrance et voix haut perchée, la petite sœur Suzanne (Léa Seydoux) a presque jamais connu Louis, Antoine (Vincent Cassel) est le grand frère, jadis protecteur de Louis comme le fait découvrir l'un des flash-back et Catherine (Marion Cottilard), la belle sœur, l'épouse d'Antoine, Catherine rencontre pour la première fois Louis.

Cinq personnages et une journée pour se retrouver. Martine prépare les collations dans de belles assiettes. Des petits légumes, un peu de charcuterie, des bols pour faire la trempette. Martine se prépare également, maquillage très voyant, les paupières en bleu et des faux cils. Elle en profite pour refaire le visage de Suzanne, peu à l'aise avec le maquillage. Elle l'enlèvera d'ailleurs en milieu de film après une remarque peu amène d'Antoine.

Dans cette famille, il y a 12 ans à rattraper. Enfin, c'est ce qu'ils pensent. Ainsi pendant le repas, on cause. Chaque personnage a son propre débit et registre. Nathalie Baye parle à toute vitesse, Vincent Cassel éructe chaque dialogue, Marion Cottillard est hésitante et butte sur les mots, Léa Seydoux aborde une voix vulgaire. Gaspard Ulliel écoute tout, parle peu, avec une voix très douce qui contraste avec les autres membres de la famille.

Cette différence de langage entre Louis et les autres provient de cette longue absence. On saura peu de choses sur ces 12 ans, on apprendra que Louis est devenu écrivain, qu'il a vécu dans un « quartier gay » comme dit sa mère et qu'il va mourir. C'est pour leur annoncer qu'il vient les voir. Ce qui est beau et subtil dans Juste la fin du monde est cette manière de ne jamais expliquer, ce qui change radicalement des films de retrouvaille où tout est déballé.

Chez Xavier Dolan, l'ineffable prend le dessus et les discussions restent en suspens. La violence des retrouvailles permet à Antoine de cracher son venin mais il est incapable, notamment dans cette séquence en voiture, de s'exprimer. Tout juste parviendra-t-il à dire à son petit frère que Pierre son premier amant vient de mourir d'un cancer. On venait, dans un flash-back, de découvrir ces premières amours secrètes.

Le parti pris formel du film tient dans ses gros plans. Presque tout le film en est composé et quand la caméra recule pour filmer, très rarement, le quintet ensemble, cela devient presque choquant. On ne retrouve que dans un genre, le porno, autant de gros plans et d'inserts. Ces gros plans sont à la fois la logorrhée entre les personnages, comme autant d'éjaculation de mots, qu'ils sont des reflets de leur âme pour reprendre l'expression d'Ingmar Bergman.

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