lundi 19 septembre 2016

L'Auberge du dragon (Raymond Lee, 1992)

Vingt-cinq ans après le classique de King Hu, Tsui Hark met en place la production d’un remake réalisé par un de ses fidèles, Raymond Lee avec l’aide de Ching Siu-tung pour les chorégraphies des combats. L’Auberge du dragon reprend la plupart des éléments scénaristiques de Dragon Inn. Le générique reprend la musique originale et la forme de parchemin qui défile. L’ouverture se déroule avec l’eunuque Zhao (Donnie Yen), toujours aussi cruel, qui usurpe le pouvoir et liquide tous ses ennemis. Il est dépeint comme un homme aux manières efféminées, maquillé, se tapotant le coin des lèvres avec un mouchoir. Son regard vicieux admire le travail de torture produit sur Yang, le ministre des armées, qu’il accuse de traitrise. Il sera exécuté et ses enfants, bien plus jeunes que dans Dragon Inn, seront exilés.

La stratégie de l’eunuque est simple. Il suppose que les fidèles de Yang, notamment le général Chow Wai-on (Tony Leung Ka-fai) va venir délivrer les enfants du ministre. Ainsi, il pourra les capturer et les éliminer. Du haut d’une falaise donnant sur un canyon, Zhao, bien assis sur son fauteuil, longue-vue rivée sur l’œil, va observer la scène. Chow ne vient pas en personne, au grand dam de l’eunuque, il a envoyé libérer les enfants par Mo-yan (Brigitte Lin) accompagnée de quelques mercenaires. Très vite, on voit la différence avec le film de King Hu. La chorégraphie du combat se place d’emblée dans la lignée de ce que Ching Siu-tung avait donné dans ses films précédents, un défi à l’apesanteur, des acteurs virevoltant les uns au dessus des autres, un rythme et un montage effréné proche de l’abstraction. Le réalisme est effacé au profit d’un art poétique bariolé et purement cinématographique.

Il y a encore mieux avec le personnage de Maggie Cheung. Elle est Jade, la taulière de l’auberge du dragon où le récit va désormais se tenir. Dès sa première apparition, Jade est montrée comme une nymphomane, sautant sur tous les hommes. Elle est sans doute la maitresse du capitaine de la frontière (Elvis Tsui), soldat rustre mais dont elle abuse de la naïveté et de la bêtise. Des perles de sueur coulent sur sa poitrine à peine cachée par sa tunique tandis qu’elle caresse un client, client qu’elle va tuer et qui va servir de chair à saucisse. Cette sensualité sera présente pendant tout le film et atteindra son point culminant proche de l’érotisme dans une scène entre Jade et Mo-yan. Cette dernière se lave quand Jade entre dans se chambre. Elles vont se battre à coups de vêtements, les drapés vont circuler dans toute la pièce, elles seront alternativement nues puis habillées échangeant des dialogues sarcastiques.

Jade ne le sait pas encore, mais Mo-yan attend Chow Wai-on, son amant. Il arrive fièrement à dos de chameau (l’auberge est au milieu du désert) au son de la flûte de son aimée. Jade va chercher à séduire Chow par tous les moyens. Les minauderies de Maggie Cheung ont un pouvoir comique et contrastent avec la figure sévère de Brigitte Lin qui voit d’un mauvais œil les manigances de l’aubergiste. Il faut dire que l’enjeu se corse avec l’arrivée des hommes de Zhao menés par Cha Ting (Lau Shun) et ses seconds dont Hung Yan-yan en combattant féroce. Comme dans le film de King Hu, les deux ennemis font semblant de sympathiser, chacun élaborant un plan pour piéger l’autre. Au milieu, Jade vend son soutien au plus offrant dans un concours de mensonges qui provoque des retournements de veste de sa part. Elle accentue la jalousie de Mo-yan à obligeant Chow à l’épouser en échange de la révélation d’un secret.

Tout le monde attend désormais l’eunuque Zhao qui s’approche avec son armée de féroces soldats. Dans une tempête de sable, puis au milieu du désert, alors qu’ils cherchent encore à évacuer les enfants, Mo-yan, Chow et Jade, tous experts dans le maniement du sabre, vont affronter Zhao dans un combat dont la mise en scène devient un sommet de tension tout en travellings latéraux qui tentent de capturer les personnages qui déboulent dans le plan en contre-sens. Au final, L’Auberge du dragon ne ressemble que superficiellement à Dragon Inn de King Hu. Le film de Tsui Hark, Ching Siu-tung et Raymond Lee demeure un modèle indépassable du wu xia pian.






















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