mardi 6 septembre 2016

Man on the moon (Milos Forman, 1999)

Quand Andy Kaufman (Jim Carrey), lors d'un cours de méditation transcendantale dont il était adepte, demande à son gourou quel est le secret du rire, ce dernier ne répond que par un seul mot le « silence ». Dans la séquence suivante de Man on the moon, Andy se prépare pour sa première télévision, il doit jouer un sketch pour le Saturday Night Live, le show comique venait de démarrer alors. Dans les gradins du public, son père et sa père et son frère Michael et sa sœur Carol. Si ces deux derniers sont hilares devant la performance de leur grand frère, les parents sont plus inquiets. Kayfman décide en effet de ne pas prononcer un seul mot pendant son sketch. Il met un 45 tours, la chanson Mighty Mouse, il reste statique, il ne bouge que les yeux et quand le refrain arrive, Andy mime avec un trop grand enthousiasme la phrase du refrain avec de son revenir à son apathie. Le public du SNL commence à rire.

Ce fut Carol, la petite sœur, la toute première spectatrice d'Andy Kaufman. Dans l'unique et courte séquence sur son enfance dans une petite banlieue bourgeoise et cossue de Long Island, New York, Andy fait des numéros en solo dans sa petite chambre et ses peluches sont son public. Il entonne une comptine à sa sœur. Milos Forman, avec son superbe sens de l'ellipse, enchaîne sur la même comptine, Kaufman est désormais adulte et écume les bars de stand-up. Le public, clairsemé, est blasé et le patron est navré du show qui rencontre un beau bide. Il tente de lui expliquer que dans le terme « show business », il y a aussi business. Le film se poursuit avec son sketch le plus connu de Kaufman, celui où il joue un homme au fort accent qui prétend venir d'une île nommée Caspiar. Il fait ensuite une imitation de Jimmy Carter, sans changer sa voix de crécelle pour enchaîner sur une imitation endiablée d'Elvis Presley.

Dans la salle, pour dénicher des talents en herbe, se trouve George Shapiro (Danny DeVito). Dans la cuisine qui sert de loge, Shapiro va rencontrer Kaufman qui quitte vite son petit accent et son personnage imaginaire pour revenir à la réalité. « Je veux devenir la plus grande star du monde ». ce sur quoi, il ajoute, non sans morgue, à la proposition de l'impresario qu'il refuse de jouer dans Taxi, la sitcom que la chaîne de télé ABC va lancer en 1978. Kaufman ne se considère pas comme un comedian, un artiste comique et le tournage de la série lui semble interminable et pénible, obligé de refaire son rôle de Laktar, cet homme du Caspiar. « T'ank you vedy mush » est sa réplique culte. Milos Forman a demandé, pour entourer Jim Carrey, aux acteurs de la série d'origine de reprendre leurs personnages : Christopher Lloyd, Judd Hirsch, Carol Kane, Jeff Conaway, Marilu Henner. Il faut préciser que Danny DeVito avait l'un des rôles principaux dans la série Taxi.

C'est l'ambivalence d'Andy Kaufman, sa personnalité multiple et son caractère qui passe du chaud au froid qui a intéressé les deux scénaristes Alexander Scott et Larry Karazewski, déjà auteurs de Ed Wood et de Larry Flynt. Des personnages aux histoires vraies bigger than life à la poursuite constante du bonheur et intransigeants avec ceux qui tiennent les rênes du pouvoir. En l'occurrence, c'est le patron d'ABC (Vincent Schiavelli) qui ne comprend absolument rien au talent d'Andy Kaufman. Il avait réussi à négocier une émission où il pourrait faire ce qu'il entend. Evidemment, les responsables de la télé, des cols blancs en cravate ou tailleur, décident de ne pas diffuser cette émission. Eux non plus ne comprennent rien (Shapiro essaie bien de les influencer avec ses petits sourires gênés), faut dire que le business et les coupures pub sont plus importantes que le poétique bizarre d'Andy Kaufman et ses petites marionnettes.

Avec son auteur favori, Bob Zmuda (Paul Giamatti), Andy Kaufman va investir d'autres lieux pour déployer son inventivité comique. Sur les campus américains, il fait des spectacles. Les étudiants veulent ses gags habituels, il lit The Great Gatsby dans son intégralité. Sur les rings, il se déclare le champion du monde de catch mixte. Il encourage les femmes à venir le combattre. Il invente un catcheur arrogant, sexiste et misogyne qui crée le scandale. Il insulte le public sudiste de Memphis en les traitant de bouseux (« ceci est un savon, ça sert à se laver »). C'est lors d'un de ces shows de catch qu'il croise Lynne Mugalies (Courtney Love), minée par ses outrances, elle le combattra sur le ring. Elle deviendra sa compagne. Le plus beau moment de Man on the moon est ce finale au Carnegie Hall, sommet de gentillesse cette fois, un spectacle où Kaufman invite des danseuses, le Père Noël, le Grand Tabernacle Mormon et une actrice des années 1930 à se produire sur scène avec lui.

Avant cette gentillesse rédemptrice, c'est le personnage de Tony Clifton qui produit l'effet le plus jouissif du film. Tony Clifton est le double maléfique d'Andy Kaufman. Un artiste grossier, misanthrope et épouvantable chanteur. C'est autour de lui que Milos Forman développe cette ambivalence de Kaufman, que les rumeurs sur son existence même sont lancées. Un alter ego réactionnaire et conservateur dans lequel Kaufman et Bob Zmuda, qui revêt parfois le déguisement de Tony Clifton, peuvent exprimer toute l'arrogance de leur cauchemar américain. Tony Clifton est en émergence dès le générique d'ouverture, en noir et blanc, avec cette idée du faux qui est faux donc qui est vrai, ce générique de fin qui est lancé au début, ce commentaire sur les piètres qualités du film, avec un grand clin d'œil, car bien entendu Man on the moon est le meilleur film américain de Milos Forman.




































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