vendredi 16 septembre 2016

Sur le globe d'argent (Andrzej Zulawski, 1987)

L'Union Soviétique avait Solaris, la Pologne aura Sur le globe d'argent. Mais au bout de deux ans de tournage, le vice-ministre de la Culture polonais décide d'arrêter les frais. Andrzej Zulawski, avec sa douce voix, explique au spectateur en ouverture du film qu'il manquait 20% des plans pour achever son œuvre. Ce qui aurait fait trois heures de long-métrage. Le montage a été fini en 1987 et le cinéaste lit des extraits du scénario, ce qui n'a pas pu être filmé 10 ans plus tôt. Sur cette voix-off, on découvre des images de la Pologne de 1987, totalement en décalage avec le reste. Mais l'effet est fulgurant, Andrzej Zulawski fait œuvre de documentariste, il filme cette Pologne, et ses habitants, ces couloirs de métro, ces rues, comme des instantanés, comme des souvenirs d'un pays, le sien, qu'il a souvent quitté pour tourner en occident. Sans doute imagine-t-il qu'il ne pourra plus jamais y retourner librement, après tout en 1987, la révolution Gorbatchev commence à peine et rien ne laisse penser que le bloc de l'est va s'effondrer.

Cet exil et ces souvenirs sont en rapport avec ceux des personnages d'astronautes de Sur le globe d'argent. Film de science fiction hors norme, tiré du roman écrit par Jerzy Zulawski, le grand oncle du cinéaste, tourné la même année que Star Wars (mais Zulawski l'ignorait), Sur le globe d'argent semble inventer une méthode alors peu vue, le found footage. Toute la première partie est constituée du journal filmé des astronautes (Martha, Georges, Peter), à la première personne. C'est Georges qui filme ses deux collègues. Ils sont Terriens et ont atterri sur une planète inconnue et sans habitants. Martha et Peter vont devenir un couple, elle tombe enceinte et donne un fils. Ils créent une nouvelle civilisation. Les images montrent que le fils grandit bien plus vite sur cette planète que sur Terre. Et Marthe comme Peter vieillissent plus rapidement, seul Georges reste le même, semblant immortel tandis que les générations se suivent, que la population de la planète augmente. L'Immortel a vaincu la Mort et devient pour les habitants un Dieu. La population invente la religion et à sa suite la guerre. L'une ne va pas sans l'autre.

Ce journal filmé a été envoyé sur Terre par Georges juste avant de mourir (finalement). Le film est visionné dans un futur très lointain. Et un nouveau Terrien est envoyé sur cette planète. Grand blond interprété par Andrzej Sewerin, cet astronaute est considéré comme un Messie revenu chasser les « chems », créatures aux grandes ailes noires et cyclopes à l'œil clignotant sur le front, qui font la guerre aux habitants. Le film élabore, selon moi, plusieurs thèses. Ces monstres sont les âmes des descendants des astronautes et vivent au-delà de la mer. Il y a une certaine poétique dans ces créatures confectionnées de bric et de broc, titubantes et hiératiques (presque des zombies). Plus politiquement, ce sont des envahisseurs auxquels il faut résister (les Soviétiques donc). Dans son état actuel, Sur le globe d'argent dure quand même 2h37. Sans doute à cause de son abandon dans des placards pendant dix ans, l'image a acquis une patine granuleuse et grisâtre. Entre la relecture de la Genèse, deux évangiles et trois textes religieux, et un pamphlet anti-Brejnev, Sur le globe d'argent a quelques passages rudement abscons et d'autres d'une étonnante bizarrerie (ces condamnés empalés, les rues détruites, l'île tombeau). Mais, j'avoue, globalement, je me suis un peu ennuyé. L'homme sur la dernière capture d'écran est Zulawski.



























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