lundi 19 novembre 2018

La Vengeance aux deux visages (Marlon Brando, 1960)

Dad et Kid, Karl Malden et Marlon Brando, un duo de gangsters qui écume le Mexique, attaquant les banques comme tous les desperados d'un western. Ce ne sont pas un père et son fils biologiques mais ils se sont bien trouvés, père et fils spirituels dans la vie de hors-la-loi. Ils n'ont pas d'attache familiale et n'entendent pas se marier tout de suite ce qui n'empêche pas le Kid, dont le prénom est Rio, de faire croire à la femme d'un soir avec qui il est d'offrir cette bague qu'il vient de voler dans la banque en faisant croire que le bijou vient de sa mère.

La famille sera le grand sujet de La Vengeance aux deux visages. Un père peut-il trahir son fils quand ils sont aux aguets, qu'ils sont pourchassés par l'armée mexicaine et que la fuite semble la seule solution. Rio pense que Dad va revenir avec deux chevaux pour remplacer les vieilles carnes qui les ont menés jusque là. Dad ne va pas revenir, Kid reste là, sur une colline, à faire face aux soldats. Il ne peut pas grand chose, il va finir en prison, il va y rester cinq ans et le récit le retrouve à sa sortie.

J'aime beaucoup ce geste d'un acteur reconnu et adulé de tourner son premier long-métrage (et parait-il qu'il durait des heures et des heures avant qu'on ne l'oblige à couper dans le gras) et qu'il se donne le rôle d'un mauvais garçon. Quand il sort de prison, il s'est forgé une nouvelle famille, des gars pas franchement recommandables. Parmi eux, la barbe mal rasée, Bob Amory (Ben Johnson, tellement différent des westerns de John Ford), on voit tout de suite que ce nouveau partenaire n'est pas sain, n'est pas un saint.

Filmer la mer, filmer la côte californienne et recréer la ville de Monterey où atterrit la bande de Rio alias Kid, voilà la différence majeure du western de Marlon Brando. C'est une idée magnifique et superbement cinématographique. Cet océan est la dernière frontière, au-delà ne se trouve que la mort, l'enfer dans lequel Rio espère envoyer Dad. Ce dernier a réussi grâce au magot du casse avec lequel il s'est enfui cinq ans plus tôt. Dad est devenu le shérif de Monterey et s'est installé dans une maison au bord d'une falaise.

Dad Longsworth s'est refait une vie et s'est créé une famille. Il a épousé une Mexicaine, Maria (Katy Jurado) et a adopté sa fille Louisa (Pina Pellicer), bientôt adulte. Kid vient rendre visite à ce père qui l'a abandonné, il affirme avec ce petit sourire narquois dont Marlon Brando a le secret, qu'il n'a pas été arrêté tandis que Dad clame qu'il n'a pas pu trouver un cheval pour le Kid. Cette discussion de faux-semblants dans la maison de Dad se fait sous la reproduction de la Joconde, comme un reflet énigmatique aux sourires faux que se font les deux hommes.

Le récit fait tomber amoureux Rio et Louisa, dans ce contexte de famille où Dad et Kid seraient liés, cette liaison est presque un inceste par procuration. C'est la vengeance de Kid envers son père de crime, coucher avec sa fille adoptive. Marlon Brando est terriblement mièvre dans la traitement de cette romance à laquelle on ne croit jamais. Pour pimenter l'action, il crée des rapports houleux entre Louisa et Rio, des ruptures, des réconciliations, des reproches, des regrets. Le tout sous une musique peu inspirée.

Cette amourette rend malade de jalousie Lon Dedrick (Slim Pickens), l'adjoint au shérif, l'un des personnages les mieux écrits de La Vengeance aux deux visages, cruel comme il se doit, le doigt sur la gâchette. Il espère pouvoir épouser la fille de son patron. Slim Pickens, avec son accent du sud, avec sa bouille, est l'incarnation de la perversion, mais il est du côté de la Loi (avec une majuscule). Il espère aussi pouvoir tuer Rio, ce fils prodigue qui pourrait lui prendre sa place, lui qui est devenu le nouveau fils de Dad Longsworth.


Marlon Brando est à son meilleur dans la violence pure, celle des rapports sociaux et familiaux, celle des corps épuisés qui se livrent bataille. S'il rate toutes les scènes de baston entre ses personnages, il réussit la séquence de la punition qu'inflige Dad à son Kid, torse nu, il donne une vingtaine de coups de fouets puis lui brise la main. C'est cette séquence filmée comme un extase charnelle qui fait entrer cette unique mise en scène de Marlon Brando, bancale mais regorgeant de plans d'une beauté intense, dans le Panthéon des films d'acteur.

































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